Saint-Ouen. « Je veux l’excellence pour tous », Karim Bouamrane, le nouveau maire

 Saint-Ouen. « Je veux l’excellence pour tous », Karim Bouamrane, le nouveau maire

Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen. Photo : Nadir Dendoune

Pour Karim Bouamrane, 47 ans, il  y aura pendant longtemps un avant et un après 28 juin 2020. Ce jour-là, l’ancien porte-parole du parti socialiste devenait enfin maire de Saint-Ouen, sa ville de cœur, commune où il a grandi. Karim Bouamrane est le premier maire français, d’origine maghrébine, d’une ville de plus de 50 000 habitants.

Depuis son élection, c’est la première interview qu’il accorde à un média. 

 

LCDL : Les bulletins de vote sont en train d’être dépouillés et vous vous rendez compte que vous allez être maire… 

Karim Bouamrane : Oui, et là, c’est un grand soulagement parce que même si on y croyait dur comme fer, aucune élection n’est jamais gagnée à l’avance. Avec la Covid, dans beaucoup de villes, il y a eu une prime au sortant, pas à Saint-Ouen, où les Audoniens réclamaient un changement. Ils voulaient une rupture nette et franche avec la dernière mandature.

Vous avez été élu une première fois conseiller municipal à St-Ouen, en 1995. C’était il y a 25 ans…

Effectivement, notre victoire est le fruit d’un long travail. Depuis dix ans maintenant, avec mon équipe, nous travaillons d’arrache-pied pour conquérir cette ville que nous aimons tant.

Le 4 juillet, lors du premier conseil municipal, vous démarrez votre discours par ses mots : « Je m’appelle Karim Bouamrane, fils de Sadia et Allal Bouamrane, et je suis le nouveau maire de Saint-Ouen »…

J’étais pris par l’émotion quand j’ai prononcé ces phrases. A ce moment précis, je pensais très fort à mes parents, deux Marocains venus en France pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants, je suis fier d’être leur fils, ils m’ont tant apporté. Je pensais aussi à tous les autres parents qui ont vécu l’exil et qui ont mis au monde des Français aujourd’hui attachés à la République.

Mais par ces mots, je voulais aussi exprimer mon soulagement. Quand on mène une bataille municipale comme celle qu’on a menée à Saint Ouen qui a été très éprouvante, nos proches s’inquiètent. Avec cette « victoire », mes parents ainsi que mes proches ont été soulagés. Beaucoup de satisfaction donc pour un travail bien accompli, avec une équipe en or.

Certains de vos opposants politiques vous accusent de communautarisme …

Je comprends que l’élection d’un Karim Bouamrane à la tête d’une grande ville comme Saint-Ouen en irrite beaucoup mais je suis et serai le maire de tous les Audoniens, peu importe les origines ou les religions des habitants. Pour me faire perdre, mes détracteurs ont porté à mon encontre des accusations  nauséabondes qui flirtaient avec les idées racistes. Je le répète : je serai le maire de tous les Audoniens. Je veux juste être jugé sur mes actions, comme n’importe quel autre maire.

Une fois élu, quelle a été votre première mesure ?

Je suis de gauche et issu d’un quartier populaire. Ma politique est donc axée sur l’égalité et la justice pour tous. Avec la crise sanitaire et sociale que nous vivons actuellement, il me semblait important de « réussir l’été » pour les enfants de la ville. Nous avons fait partir gratuitement cet été plus de 600 enfants dans différentes colonies en France, comme à Morzine en Savoie ou dans l’Yonne. Autre mesure importante avec les 3000 tests Covid-19  gratuits effectués cet été à Saint-Ouen. Nous avons installé des stands dans chaque quartier. Par ailleurs, une aide a été octroyée aux commerçants de la ville et aux intermittents du spectacle.

Vous avez été élu pour six ans.  Que comptez-vous faire pour améliorer la vie des Audoniens ? 

Déjà, nous allons arrêter de construire dans cette ville : assez de bétonnage. Nous allons mettre plus de verdure, davantage d’espaces verts à Saint-Ouen. Nous allons végétaliser au maximum !

J’ai grandi à Emile Cordon et mes parents vivent toujours dans ce quartier populaire. Je veux qu’il n’y ait plus d’écart entre les cités populaires et les autres quartiers de la ville. Je veux que Saint-Ouen soit la ville du beau, du beau pour tous. Parce que les disparités créent de la frustration, donc de la violence. Donc on rénove, on sécurise et on embellit.

Mais encore…

Géographiquement, Saint-Ouen est une ville à fort potentiel, sa grande proximité avec Paris fait d’elle une ville très convoitée. Elle est également mitoyenne avec les Hauts de Seine. Saint-Ouen est l’une des villes du 93, voire d’Ile de France où sont prévus les plus gros projets structuraux. En 2024, elle abritera à 40% le village olympique. La DCRI (NDLR : Le renseignement intérieur) s’installe avenue Michelet en 2027, et un hôpital dernière génération, qui avait été inauguré par le Président Hollande, est en cours de construction à Saint-Ouen. Nous avons donc beaucoup de travail pour réussir tous ces chantiers. Bien que la ligne 14 arrive bientôt à Saint Ouen, j’aimerais qu’une navette fluviale rejoignant Saint-Denis et notre ville soit créée. Cela permettrait de désengorger la ligne 13.

A Saint-Ouen, comme dans de nombreuses villes populaires, il y a une délinquance rampante, surtout chez les jeunes…

Effectivement, ici, nous ne sommes pas épargnés et il s’agit d’un problème complexe qu’on ne peut résoudre d’un simple coup de baguette magique. Nous partons du principe que beaucoup de choses se jouent à l’enfance et donc à l’école. Il faut l’excellence pour tous les enfants de Saint-Ouen. Mettre le paquet sur le périscolaire, sur l’apprentissage de l’anglais, permettre aux enfants de pratiquer une activité, qu’elle soit sportive, artistique…Plus l’enfant est occupé, moins il voudra faire des bêtises. Il faut également associer les parents. Saint-Ouen doit être tirée vers le haut.

Le Red Star, le club de la ville, l’un des plus vieux au monde est en National (NDLR : 3e division), l’illustre stade Bauer tombe en ruine. L’ancien maire avait prévu de le détruire…

Oui, il est revenu plusieurs fois sur sa décision. Au final, nous ne savions plus trop où donner de la tête. Effectivement, le stade Bauer n’est pas en très bon état et il a besoin d’être rénové et il sera. Ça serait idiot de se séparer de l’un des monuments de notre ville. Le Red Star c’est Bauer et Bauer c’est le Red Star ! Nous trouverons l’argent pour faire de ce lieu emblématique un beau stade. Nous voulons un grand stade avec une grande équipe. Avant la fin de mon mandat, nous allons nous battre pour que le Red Star retrouve la Ligue 1.

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Nadir Dendoune