Les migrants vivent dans la peur des pyromanes

 Les migrants vivent dans la peur des pyromanes

25 foyers de migrants ont été détruits ou endommagés par des incendies criminels depuis le début de l’année. (Illustration)


Autrefois réputée pour sa capacité à accueillir migrants et réfugiés, la Suède connait depuis plusieurs mois une montée inquiétante des actes xénophobes. Au moins 25 centres d'hébergement pour demandeurs d'asile ont été réduits en cendre ou endommagés cette année par des brasiers allumés le plus souvent au cours de la nuit, quand dorment leurs pensionnaires.


 


25 foyers endommagés par des incendies


« J'ai vu le feu, je suis sorti en courant » : raconte Dawit, Éthiopien de 13 ans réfugié en Suède, dont l'incendie volontaire de son foyer a entaillé son espoir de vivre un jour en sécurité. Certains comme à Örebro ont été caillassés, d'autres vandalisés. À Malung, une croix de deux mètres de hauteur a été dressée et enflammée aux abords d'une pension, rappelant un funeste rituel du Ku Klux Klan, l'organisation suprémaciste américaine.


Les attentats se concentrent au sud d'une ligne traversant la capitale Stockholm, dans les régions d'immigration où l'extrême droite est la mieux implantée. C'est justement dans la ville universitaire de Lund, citadelle libérale au coeur d'un territoire conservateur, que vit Dawit, nom d'emprunt de cet adolescent dont les traits le vieillissent de plusieurs années.


Le 26 octobre, il était dans sa chambre quand l'incendie s'est déclaré. Les autres résidents, comme lui des mineurs non accompagnés, étaient à l'école pour y apprendre les rudiments de la langue et de la culture de leur patrie d'adoption. Le départ de flammes a été rapidement maîtrisé, mais la violence de l'acte les a sidérés. Impensable, à leurs yeux, que l'on s'en prenne à des enfants de l'exil dans ce pays réputé pour ses valeurs de tolérance et d'ouverture.


 


La « fierté nationale » des Suédois entachée


Le Premier ministre social-démocrate Stefan Löfven a promis « un juste châtiment pour les lâches » dont les agissements entachent le sentiment de « fierté nationale » des Suédois. Mais, les agressions se multiplient contre les migrants à mesure que leur nombre croît dans le royaume scandinave, État le plus généreux de l'Union européenne rapporté à sa population. Jusqu'à 190 000 réfugiés y sont attendus cette année, 170 000 l'an prochain.


Deux jours après l'incendie du foyer de Lund, un homme était arrêté alors qu'il s'apprêtait à pénétrer de nuit dans un centre de Vänersborg (sud-ouest) avec le projet de « poignarder des étrangers ». Une semaine auparavant, un jeune sympathisant d'extrême droite armé d'un sabre avait semé la terreur dans une école d'une ville voisine, Trollhättan, tuant un enseignant et un élève d'origine étrangère.


Si les attaques de foyer de réfugiés n'ont pas fait de blessé grave, le traumatisme est palpable parmi les migrants réchappés de la guerre et des persécutions politiques, religieuses ou ethniques. Même si, une société de gardiennage effectue des rondes au foyer de Lund et que des riverains ont recouvert le bois brûlé de petits papiers en forme de cœur, les pensionnaires « ont redoublé de vigilance ; ils regardaient par la fenêtre, ils avaient du mal à trouver le sommeil », témoigne M. Cruz.


 


L’extrême droite attise la haine


Comparant l'arrivée massive de réfugiés à une « invasion », le parti d'extrême droite des Démocrates de Suède (SD) et les groupuscules racistes qui pullulent sur la Toile sont accusés d'attiser la haine. Les enquêteurs s'efforcent de rassembler les pièces de ce puzzle morbide pour savoir s'il est l'œuvre d'un individu ou d'un groupe constitué. Sans résultat jusqu'ici.


Mona Sahlin, coordinatrice nationale de la lutte contre les extrémismes violents, fustige une rhétorique « inflammatoire » qui prolifère dans le débat public et sur les réseaux sociaux. « L'extrême droite se sert de la situation des réfugiés pour affermir ses arguments. C'était la même chose il y a 20 ans », déplore-t-elle dans un entretien avec l'AFP. En 1992, 52 attaques avaient visé des centres pour les réfugiés des Balkans.


Rached Cherif


(Avec AFP)

Rached Cherif