Jaouad Essounani, la scène pour tous

 Jaouad Essounani, la scène pour tous

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A la tête de Dabateatr, ce metteur en scène développe depuis 2004 un “théâtre élitaire pour tous”. Nourri du patrimoine du Royaume, il fait appel au spectateur pour inventer des formes nouvelles en prise avec le Maroc d’aujourd’hui.


Après une vingtaine d’années passées à Rabat, dont treize à la tête de sa compagnie Dabateatr, Jaouad Essounani s’apprête à s’installer à Tanger. Sa motivation : retrouver son “étincelle d’amateur qui menaçait de s’éteindre à Rabat”. Fuyant les “petits enjeux politiciens” et le “règne de l’argent”, il prépare l’ouverture d’un nouveau Dabateatr selon les principes de l’ancien. “Créer, transmettre et expérimenter” resteront ses priorités. Les axes de son art citoyen qu’il dit volontiers “élitaire pour tous”, selon la formule célèbre de Jean Vilar, fondateur du Festival d’Avignon.


 


Une compagnie de “réfugiés poétiques”


La passion de Jaouad Essounani pour les planches remonte à l’enfance. Dès l’âge de 7 ans, dans le village du Moyen-Atlas dont il est originaire, il est initié aux arts de la scène par une compagnie du cru. “A cette époque, le théâtre amateur était d’une grande vitalité”, se rappelle-t-il. Il découvre aussi la musique, la danse, le cirque… Autant de disciplines qui font partie de l’esthétique hybride caractéristique de ses créations. Après deux années d’université à Fès, le jeune homme intègre l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle (Isadac) à Rabat. Il y rencontre des étudiants venus des quatre coins du Maroc. Ces “réfugiés poétiques”, comme il aime à nommer les membres de cette petite bande qu’il embarque dans l’aventure Dabateatr.


 


Le texte, mais aussi le corps


De nombreux voyages en Europe, à Damas et en Tunisie forgent la personnalité de Jaouad et son projet. Des rencontres, aussi. Le metteur en scène tunisien Fadhel Jaïbi, le Français ­Richard Brunel et le Britannique Peter Brook le marquent. La structure singulière de sa compagnie, qu’il fonde en 2004, n’a pourtant rien d’occidental. “Inspirée de la mutualisation des biens et de la solidarité ancestrale du Maroc, Dabateatr met le ­citoyen au cœur de sa démarche”.


A visée sociale et politique autant qu’esthétique, son théâtre aborde les grandes questions qui agitent le Maroc aujourd’hui : la liberté d’expression, l’Islam, la condition féminine. Depuis 2008, le dramaturge Driss Ksikes est associé à Dabateatr. “Pour sortir de la crise qu’il traverse et se développer, le théâtre marocain doit passer par la formation de binômes auteurs-metteurs en scène”, estime Jaouad Essounani. Son théâtre est toutefois loin d’être centré sur le texte. Impliqué dans la création du cirque Shems’y à Salé, le metteur en scène accorde au corps une place centrale. “Nous vivons dans une société où les corps sont broyés au quotidien. Par le cirque et le théâtre, nous pouvons changer les choses.” 


Pour en savoir plus sur Dabateatr


MAGAZINE OCTOBRE 2017

Anais Heluin