Tunisie. Assassinat de Belaïd : Quatre peines de mort prononcées

 Tunisie. Assassinat de Belaïd : Quatre peines de mort prononcées

En 2013, le pays avait connu une manifestation rassemblant des centaines de milliers de Tunisiens lors des funérailles de Belaïd

Plus de onze années après les faits, la cinquième chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme au sein du tribunal de première instance de Tunis a rendu son verdict dans la nuit du 26 au 27 mars dans l’affaire d’assassinat du martyr Chokri Belaïd, au terme de longues heures de délibération.

Les spécialistes concèdent qu’en matière d’enquêtes judiciaires complexes, les assassinats politiques sont en général particulièrement difficiles voire impossible à élucider, surtout dans le cas de l’implication d’appareils d’Etat à grand renforts de moyens capables des plus efficaces « cover up ». C’est ce qui explique en partie la lenteur de la justice dans le cas de l’espèce en Tunisie, où l’opinion publique tout comme la famille de la victime attendent que justice soit faite depuis le 6 février 2013 lorsque le meurtre du charismatique leader d’extrême gauche par des éléments djihadistes avait mis en émoi le pays qui n’avait plus connu pareille violence sanglante depuis des décennies.

Beaucoup de Tunisiens ont dû veiller jusque tard dans la nuit où la Télévision nationale a diffusé le prononcé du verdict dont lecture fut donnée par le premier substitut du procureur général près le pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, Aymen Chtiba. On apprenait ainsi lors d’un point de presse tenu mercredi à l’aube, au siège du tribunal, que quatre accusés écopent de la peine de mort, fait rare en Tunisie, alors que deux autres ont été condamnés à la perpétuité.

 

Des zones d’ombre subsistent

D’après la même source judiciaire, la chambre a prononcé des jugements de prison ferme à l’encontre de plusieurs autres accusés impliqués dans cette affaire, des peines allant de deux à 120 ans de prison cumulée, et ce après avoir calculé la somme des peines encourues au titre de chaque crime jugé séparément. La même chambre a par ailleurs décidé de conférer le caractère de l’exécution immédiate aux jugements prononcés à l’encontre de nombre d’accusés.

Dans le cadre du même procès, le tribunal a toutefois rendu des jugements de non-lieu en faveur de cinq autres accusés pour motif de « la chose jugée », non pas en raison d’une présomption établissant leur innocence mais en raison du fait qu’ils ont été poursuivis et jugés pour les mêmes faits dans le cadre d’autres affaires. Le tribunal a enfin également décidé de placer l’ensemble des accusés sous surveillance administrative pour une période comprise entre 3 à 5 ans.

Aymen Chtiba a aussi indiqué que le nombre total d’accusés dans l’affaire de l’assassinat de Chokri Belaïd le 6 février 2013, s’élève à 23 accusés, dont 14 sont placés en détention et 9 autres en état de liberté, en sus des de l’exécutant principal, Kamel Gadhgadhi et son groupe, soit 7 éléments de plus éliminés dans l’opération spéciale de Raoued en février 2014. La justice s’est cependant abstenue de révéler l’identité des accusés condamnés à la peine capitale et à la perpétuité.

Mardi matin, la présidente de la 5e chambre criminelle avait pour rappel levé l’audience de jugement dans l’affaire de l’assassinat de Chokri Belaïd aux fins de mise en délibéré et de prononcé du jugement, après avoir consigné les ultimes requêtes formulées par les accusés dans le cadre de cette affaire. Pour autant, des voix s’élèvent aujourd’hui pour constater la non élucidation du volet des commanditaires de l’assassinat, rappelant au passage que le jugement rendu hier en première instance fera sans doute l’objet d’un procès en appel.

Selon les dernières statistiques en date, 140 condamnés à mort sont détenus dans les prisons tunisiennes, sachant que la Tunisie n’a procédé à aucune exécution depuis 1991, un pays où l’on attendait un moratoire sur la question, jusqu’à ce que le président de la République Kais Saïed se montre dès 2020 ouvertement favorable au contraire au retour à son application.

Seif Soudani