Cinéma : « Des hommes » plonge dans les souvenirs d’un appelé de la guerre d’Algérie

 Cinéma : « Des hommes » plonge dans les souvenirs d’un appelé de la guerre d’Algérie

« Des Hommes » de Lucas Belvaux. Photo Synecdoche – Artemis Productions

Dans « Des hommes », qui sort mercredi en salles, le réalisateur Lucas Belvaux invite à comprendre ce qui s’est passé durant la guerre d’Algérie dans la tête d’un appelé. Le protagoniste, interprété par Gérard Depardieu, devenu un sexagénaire raciste, donne à réfléchir sur les traumatismes d’une génération envoyée combattre dans cette guerre.

Des hommes est un film qui, « comme le livre éponyme de Laurent Mauvignier dont il est tiré, se veut un peu réparateur » en « reconnaissant toutes les souffrances » de la Guerre d’Algérie, a expliqué le cinéaste franco-belge Lucas Belvaux à l’AFP, lors de la présentation du film à Deauville en septembre.

« Il y a eu évidemment les souffrances du peuple algérien qui ont été très longues », précise le réalisateur. Mais, il a décidé dans son film de s’intéresser à la souffrance « des appelés a été extrêmement profonde aussi ». Sans oublier « la souffrance des harkis, la souffrance des pieds-noirs, avec énormément d’injustice dans tous les sens et de non reconnaissance », ajoute-t-il.

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Il estime d’ailleurs que la société française subit « encore aujourd’hui » les séquelles de ces plaies non fermées. Deux semaines après la ressortie d’« ADN » de Maïwenn, « Des Hommes » explore à son tour les cicatrices de l’histoire franco-algérienne.

 

Le fardeau de la souffrance

Ici, Gérard Depardieu interprète Feu-de-bois. Un imposant sexagénaire, explosif et raciste. Celui-ci s’introduit un soir, ivre, chez Saïd, comme s’il était chez lui, plaque sa femme au mur, traite la famille de « bougnoules ». Dans son village, il est peu aimé, même par un l’autre ancien combattant.

Mais, la tendresse que Feu-de-bois exprime pour sa sœur (Catherine Frot), qui condamne ses dérives, convainc toutefois le spectateur de tenter de comprendre cet ogre antipathique. Alors que les gendarmes s’apprêtent à arrêter son frère, Solange se replonge dans les lettres qu’il lui envoyait d’Algérie.

Quarante ans plus tôt, celui qu’on appelait encore Bernard est un jeune homme qui découvre la beauté d’un pays. « Cela doit être formidable de vivre ici », écrit-il. Mais, il y a aussi ce que le jeune homme de vingt ans ne raconte pas parce qu’« il n’y a pas de mots pour ça ».

 

« Personne ne voulait les entendre »

De retour chez lui, le sexagénaire se souvient du massacre de civils algériens auquel il a assisté impuissant. « Si j’avais été d’ici, j’aurais été fellaga », pense alors le jeune homme avant que son camp ne soit à son tour victime d’une boucherie.

« On dit souvent que les anciens d’Algérie n’ont pas raconté. Je crois surtout que personne ne voulait les entendre. On les a condamnés à ce silence, qui est la marque de la guerre d’Algérie », commente le cinéaste de 59 ans. Ce dernier a d’ailleurs fait appel aux conseils de l’historien Benjamin Stora.

S’il évoque la violence du conflit pour les deux camps, le film s’abstient d’évoquer la torture. Des hommes « ne peut pas tout raconter. J’allais pas faire un catalogue des horreurs », explique Lucas Belvaux. Pour lui, le film vient « naturellement » après « Chez Nous », qui scrutait le FN (devenu RN) en 2017. Le FN « s’est, en grande partie, construit sur les cendres de cette guerre-là », ajoute le cinéaste.

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Dans le film certains appelés en revanche osent faire le parallèle avec les horreurs du nazisme et en particulier le massacre d’Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), perpétré par les SS, 18 ans avant la fin de la guerre d’Algérie. Ce parallèle « est extrêmement présent, comme la Résistance, comme l’Occupation. Quand les enfants les regardent, ils se voient eux en train de regarder les soldats allemands. Ils voient la peur et donc ça les trouble beaucoup », poursuit Lucas Belvaux.

Rached Cherif