Des boulangers se mobilisent en Tunisie contre le retrait d’une subvention

 Des boulangers se mobilisent en Tunisie contre le retrait d’une subvention

La baguette de pain subventionnée constitue un part essentielle de l’alimentation en Tunisie

Au cœur de l’alimentation traditionnelle tunisienne, le pain est devenu un sujet de préoccupation majeure dans ce pays depuis que l’État a décidé de modifier les conditions d’accès à la farine subventionnée. Des boulangers dénoncent une mesure mettant en péril leur modèle économique.

Près de 200 boulangers-pâtissiers tunisiens ont participé à un sit-in le 7 août, marquant le début d’une série de mobilisations. Ces artisans protestent contre une décision de l’État qui leur retire l’accès à la farine subventionnée, mettant en péril l’existence même de 1 500 commerces.

Cette crise trouve ses racines dans les déclarations du président Kaïs Saïed, qui a récemment dénoncé une spéculation sur la farine subventionnée. Le 1er août, le ministère du Commerce a ainsi interdit à 1 500 boulangeries dites « modernes », employant 18 000 personnes, d’acheter cette farine subventionnée.

Ces boulangeries « modernes », apparues peu après la révolution de 2011 en Tunisie, pouvaient acheter régulièrement des quotas de farine subventionnée. Ces quantités leur permettaient de proposer une variété de produits à des prix modérés, en plus de la baguette subventionnée, devenue un produit d’appel. Cependant, ces derniers mois, le réseau officiel de boulangeries vendant la baguette subventionnée à un prix dérisoire (190 millimes, soit 0,06 centime d’euro) a souffert d’un manque de farine.

Il était devenu régulier de voir des files d’attente dès l’aube devant ces « points chauds ». D’autant plus que cette « baguette des pauvres » est en réalité une composante majeure de l’alimentation de beaucoup de familles tunisiennes.

 

Vers une crise du pain ?

Le président Saïed a tenté de répondre à cette situation en dénonçant l’utilisation de farine subventionnée par les boulangeries « non classées ». Il a affirmé qu’il fallait prendre des mesures pour fournir du pain à tous les Tunisiens.

Plusieurs économistes affirment que cette « crise du pain » est en réalité due aux difficultés d’approvisionnement en farine subventionnée de la part de l’État. Ce dernier centralise depuis les années 70 les achats de produits de première nécessité pour les proposer à des prix bas sur le marché. Toutefois, avec un endettement de 80 % du PIB, il peine à honorer les paiements anticipés demandés par les fournisseurs, entraînant un retard dans les approvisionnements.

Le président Saïed a également évoqué l’idée d’un « pain pour les riches » vendu par les boulangeries modernes et d’un « pain pour les pauvres ». Néanmoins, selon certains économistes, imposer un prix unique pour le pain ne résoudrait pas le problème et pourrait entraîner des conséquences négatives. En Tunisie, des émeutes du pain avaient causé la mort de plus de 150 personnes en 1983-1984 et provoqué un bouleversement de la vie politique. Cet épisode reste toujours, 40 ans plus tard, une hantise des gouvernants.

Rached Cherif