Immigration. Ils ont fait résonner l’hymne national

 Immigration. Ils ont fait résonner l’hymne national

Michel Platini tient la coupe, le 29 mai 1985 après la victoire de la Juventus contre Liverpool, en finale de la Coupe des clubs champions européens, au stade du Heysel.

En France l’histoire du sport est intimement liée à celle de l’immigration. Le plus populaire d’entre eux, le football, en est l’exemple criant : il s’est développé grâce à l’intégration des descendants d’immigrés, dont les trois grandes figures de proue, Raymond Kopa, Michel Platini et Zinedine Zidane sont issus.

 

Dès le début des années 1930, l’équipe nationale s’est tournée vers les colonies pour garnir ses rangs. En 1931 Raoul Diagne, fils du député du Sénégal, Blaise Diagne, est le premier footballeur noir à porter le maillot bleu.

Très vite, des joueurs nord-africains le rejoignent, dont le Marocain Larbi Ben Barek. Celui qu’on surnomme “la perle noire”, passé par l’Olympique de Marseille, le Stade français et l’Atletico de Madrid, portera le maillot de l’équipe de France de 1938 à 1954.

Témoin de son époque, le gamin des bidonvilles de Casablanca vécut de plein fouet les affres du fascisme lors de sa première sélection avec les Bleus en 1938 à Naples. Footballeur de génie, il fut adoubé en 1976 par Pelé lui-même qui affirme lors d’un voyage au Maroc : “Si je suis le roi du football, alors Ben Barek en est le dieu.”

Un autre as du ballon rond, venu de Marrakech cette fois, va marquer de son empreinte la Coupe du monde de 1958 disputée en Suède : c’est Just Fontaine. Parti en France après des débuts tonitruants dans le championnat marocain, “Justo” le fils du quartier marrakchi de Guéliz réussit à marquer 13 buts en une seule édition du Mondial, record toujours d’actualité.

Vingt ans plus tard c’est Michel Platini, petit-fils d’immigré piémontais, qui permit aux Bleus de s’imposer sur la scène internationale avec deux demi-finales de Coupe du monde (1982 et 1986) et un Euro remporté en France en 1984.

Immigration. Ils ont fait résonner l’hymne national
(G-D) Raymond Kopa, Zinedine Zidane et Michel Platini. STAFF / AFP

La France “Black-Blanc-Beur”

Avec le doublé Coupe du monde 1998 et Euro 2000 sous la houlette de Zinedine Zidane, fils d’Algériens kabyles, l’apport de l’immigration au football français devient un véritable objet médiatique. La liesse qui saisit la majorité de la population derrière le slogan “Black-Blanc-Beur” devient une vitrine de la diversité française. Mais le sentiment fera long feu et se heurtera, en 2002, à la réalité électorale avec l’accession au second tour de l’élection présidentielle de Jean-Marie Le Pen.

Quoi qu’il en soit, l’enfant de Marseille, “Zizou”, marque à jamais l’histoire du football français. Ses deux buts de la tête ainsi que ses arabesques en ont fait un personnage à part. Brillant à Bordeaux, il explose réellement à la Juventus de Turin avant son apogée au Real de Madrid. Idole d’une génération, il restera celui qui, le premier, a permis aux Bleus de remporter le titre mondial. Sa triste fin avec la sélection nationale en finale du Mondial 2006 n’entachera pas la trace laissée par ce Franco-Algérien dans l’histoire du football mondial.

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Le ballon rond n’est pas le seul sport où des Français issus de l’immigration ont brillé. En boxe de nombreux Franco-Maghrébins ont offert à l’Hexagone ses lettres de noblesse. Avec une tête de gondole, devenue légende, Marcel Cerdan. D’ailleurs grand ami de Larbi Ben Barek, avec qui il a pratiqué le football à haut niveau au Maroc.

Le natif de Sidi Bel Abbès en Algérie avait rejoint Casablanca à l’âge de 6 ans avec sa famille. A 18 ans, sur le ring de Meknès, il réalise son premier combat professionnel qui lui vaut le surnom de “bombardier marocain”. Fraîchement champion d’Europe, il voit sa carrière interrompue en 1939 lorsque la guerre éclate et se retrouve affecté dans la Marine, au Maroc.

Le 30 septembre 1942, il enfile la cape du héros pour le titre européen des welters disputé au Vel d’Hiv, quelques semaines après la sinistre rafle du même nom. Face à lui, l’Espagnol José Ferrer monte sur le ring avec un peignoir floqué de la croix gammée, exécutant le salut nazi devant les pontes de la Kommandantur. Cerdan, lui, s’y refusera. En moins d’une minute et demie il détruit Ferrer, l’envoyant huit fois au tapis. Fait unique sous l’occupation : La Marseillaise, interdite par les autorités allemandes, résonne dans le stade !

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Sur le toit du monde

Il quittera cependant Paris dans la foulée, craignant pour sa vie, afin de rejoindre le Maroc. Il n’en reviendra qu’à la fin de la guerre pour remporter le championnat de France des poids moyens, avant de réussir l’exploit qui le propulsera au rang de légende le 21 septembre 1948 aux Etats-Unis face à Tony Zale.

En France, les ventes de postes TSF explosent le mois précédant le combat ! Le retour triomphal à Orly du champion appartient désormais à l’histoire. Porté en triomphe à la sortie de l’avion par le préfet de la Seine en personne, Georges Hutin, Marcel Cerdan traverse un Paris noir de monde, qui se presse pour venir serrer la main du boxeur. Hormis en 1998 pour fêter les champions du Monde, jamais on n’aura vu une telle liesse pour un sportif au XXe siècle.

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Un autre grand sportif, moins médiatisé, a porté la France sur le toit du monde : Alfred Nakache, le “nageur d’Auschwitz “. Né à Constantine il devient champion de natation d’Afrique du Nord à 16 ans accumulant les titres jusqu’aux Jeux olympiques de Berlin en 1936, où il fait partie de l’équipe de France de natation.

Il remporte ensuite à six reprises le titre de champion de France 100 mètres nage libre et à quatre reprises celui du 200 mètres. Lorsque les Allemands envahissent la France, il s’enfuit à Toulouse avec son épouse et ouvre un gymnase. En 1941, il bat le record du monde mais se retrouve exclu des compétitions à partir de 1943 en raison de sa judéité.

En novembre, après avoir été dénoncé, le couple et leur petite fille sont arrêtés à Toulouse. Nakache perdra sa femme et sa fille, qui ne reviendront pas d’Auschwitz. Lui, plus résistant et transféré à Buchenwald en 1945, s’en sort.

De retour à Toulouse à la fin de la guerre, il tente de se reconstruire et reprend la natation. Il bat le record du monde du relais trois fois 100 mètres en 1946, et participe, en 1948, aux premiers Jeux Olympiques d’été d’après-guerre à Londres. En 1983, il succombe à une crise cardiaque au cours de son kilomètre d’entraînement quotidien, dans son élément…

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Jonathan Ardines