Karim Amellal, le nouvel ambassadeur pour la Méditerranée

 Karim Amellal, le nouvel ambassadeur pour la Méditerranée

Karim Amellal fraîchement nommé par Emmanuel Macron ambassadeur pour la Méditerranée. Photo : DR

Enseignant à Sciences Po, Karim Amellal vient d’être nommé par Emmanuel Macron ambassadeur pour la Méditerranée. C’est la première fois que l’ambassadeur s’exprime dans un média. 

 

Vous attendiez-vous à une telle nomination ?

Je dirais que c’est une demi-surprise. Cette nomination m’honore bien sûr, mais elle fait aussi écho à ce en quoi je crois profondément et que, à ma modeste échelle, j’essaye de contribuer depuis plusieurs années : bâtir un espace de paix et de prospérité entre ces deux rives de la Méditerranée, et notamment entre la jeunesse de tous ces pays que j’aime tant.

Et puis, comme tant d’autres, cela fait bien longtemps que j’ai un pied en Europe et l’autre en Afrique du Nord. Je suis né en France, j’ai grandi à Alger, mon père est algérien, ma mère est française. J’ai navigué, oscillé entre ces deux rives que j’aime tant. Mon imaginaire, mes livres s’y enracinent. Je suis, comme l’on dit, « issu de l’immigration », et cette double identité, cette identité multiple plutôt, j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux, je la cultive, elle est une puissante force qui m’anime et m’inspire au quotidien.

Je suis profondément heureux de cette mission que l’on m’a confiée car cette Méditerranée que nous aimons tant ne peut être seulement un espace de conflit, de tensions ou pire, un cimetière. La Méditerranée doit être un trait d’union entre nous, au sein même de nos sociétés, et pour cela il faut jeter des ponts, bâtir des passerelles, créer de la rencontre, du dialogue, et embarquer ensemble un maximum de personnes vers un destin commun. C’est ainsi que je conçois mon travail.

 

>> Lire aussi : « Cette invitation est une reconnaissance de mon travail accompli » : Karim Amellal qui a accompagné le président Macron en Algérie

 

Une demi-surprise parce que vous étiez également membre de la délégation française au « Sommet des deux rives » qui s’est tenu à Marseille en juin 2019…

Effectivement. J’étais présent à ce sommet en tant que représentant de la société civile, avec d’autres personnalités. Il s’agissait d’une initiative d’Emmanuel Macron pour donner un nouveau souffle à cette politique méditerranéenne qui en a bien besoin.

Ce sommet organisé dans le format dit 5+5 a rassemblé cinq pays d’Afrique du Nord; Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye et cinq pays d’Europe occidentale, la France, le Portugal, l’Espagne, l’Italie et Malte.

Une série de projets autour de l’éducation, la culture, l’économie, le climat ont été présentés lors de ce sommet. Ce sommet a été un point de départ, une première étape, et c’est très positif qu’il ait eu lieu. Aujourd’hui, je crois qu’il faut poursuivre ce dialogue, lui donner chair. Il faut aller encore plus loin. C’est le souhait du président de la République.

En 2008, le Président Nicolas Sarkozy avait lancé l’Union Pour la Méditerranée (UPM) réunissant 43 pays…

Oui, c’était et cela reste une bonne idée. C’était une étape importante dans la construction d’un espace plus prospère. Ce projet s’est cependant heurté à plusieurs difficultés, à des tensions aussi, ce qui est inévitable lorsque vous mettez autour de la table autant de pays qui ont parfois des intérêts divergents. L’UPM existe. Elle a réalisé des choses et constitue un acteur légitime et important du processus.

Je crois qu’il faut une nouvelle étape et c’est ce qui a inspiré le Sommet des deux rives de l’an dernier. Il faut davantage mobiliser les sociétés civiles, les métropoles, en parallèle des Etats. Il faut que la jeunesse des deux rives soit au cœur de ce processus, de ce dialogue, et qu’on lui donne les moyens, notamment financiers, de réaliser ses ambitions qui sont énormes.

Comment comptez-vous mettre en place tous ces projets ?

Il semble nécessaire de construire une architecture qui fonctionne, avec les pays riverains, avec les villes peut-être, les universités aussi. Je pense qu’il faut créer les conditions du dialogue, puis de l’action. Cela ne se fait pas tout seul, dans son coin. Il faut convaincre, entraîner nos partenaires, mobiliser, créer des réseaux, des coalitions, et pour cela il faut une vision, des objectifs clairs, un cadre cohérent. C’est à tout cela qu’il faut travailler, ensemble. Je m’y emploierai avec toute mon énergie.

Il s’agira aussi de s’appuyer sur la société civile présente dans chacun des pays…

C’est indispensable. Dès le départ, Emmanuel Macron a exprimé sa volonté que les sociétés civiles soient pleinement associées à cette nouvelle politique méditerranéenne. Je suis convaincu que les sociétés civiles, peut-être même parfois davantage que les Etats, jouent un rôle éminent, structurant dans ces processus de transition.

Ce sont les organisations citoyennes, les villes, les régions, les entreprises, les associations qui, aux côtés des institutions, avec leur soutien et parfois sans, créent, inventent, fabriquent notre futur. Ce sont ces acteurs qui sont en  pointe en matière d’environnement, de biodiversité, d’inclusion, de solidarité, de croissance, de culture.

Nadir Dendoune