Lauréate EMERGING Mediterranean 2021 #1 : Mariem Faghraoui (Maroc)

 Lauréate EMERGING Mediterranean 2021 #1 : Mariem Faghraoui (Maroc)

Meryem Faghraoui, co fondatrice de Neolli (DR)

A l’issue du Digital Talk organisé par EMERGING Mediterranean, 5 lauréats ont vu leurs projets soutenus. Aujourd’hui, nous découvrons le parcours de Mariem Faghraoui, co-fondatrice de Neolli. Cette marketplace fait la part belle à l’artisanat marocain en lui permettant de trouver des débouchés internationaux.

Mariem Faghraoui s’est construit dans le souvenir et le beau. Le souvenir d’une médina de Marrakech, loin des clichés sans cesse ressassés. Celui aussi de ses ballades avec un père commerçant, amoureux des belles choses, disparu quand elle avait 5 ans.

Autant le dire. Mariem est amoureuse de ce bout de ville où travaillent ouvriers et grands maalems qui oeuvrent à entretenir ce savoir faire marocain. « Je n’ai pas grandi dans le Marrakech touristique ou de la palmeraie, affirme Mariem. Je suis une fille de la médina, la vraie ! Celle des couleurs des artisans, de l’odeur du cuir et du bois et d’une grande beauté humaine ! Les visiteurs de la médina n’observent que rarement l’arrière-boutique. C’est pourtant là où se cachent de vrais trésors. »

Mettre la lumière sur les joyaux marocains est l’ambition qu’elle s’est donnée avec sa startup Neolli. Cette marketplace remet l’artisan au coeur du processus de vente. Un projet qui a été finalisé en 2020.

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Un parcours dans le BTP d’ouvrages d’art

Née en 1990 à Marrakech, Mariem Faghraoui obtient un bac sciences mathématiques. Elle poursuit alors ses études au sein d’une école d’ingénieurs en génie civil à Rabat. « J’aimais les sciences et tout ce qui a un lien avec cet univers. En plus, au Maroc, c’est aussi un moyen d’avoir une bonne situation. »

Après son diplôme, elle se lance dans une carrière dans le BTP. Elle devient chef de projet construction des ouvrages d’art. Débute alors un tour du Maroc qui lui fait découvrir des univers artisanaux et artistiques différents. « Le Royaume est diversifié. Entre les zones rurales, berbères ou urbaines, j’ai pu observer la simplicité de ces gens. Leur imagination est sans fin. On parle toujours de Marrakech mais c’est un patchwork des autres régions du Maroc qui est mis en lumière par la ville ocre. »

Au bout de 5 ans, elle a une mission à Marrakech. Le retour aux sources lui donnent le déclic. « Mes moments de répit durant cette période chargée de travaux techniques, provenaient des verres de thé que je partageais dans l’univers des artisans de la ville. Je me déconnectais et j’ai lancé un concept store avec des artisans que je connaissais. »

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Les artisans marocains, des ambassadeurs de leurs terroirs

Elle saisit alors les contraintes du marché, de logistique et le coté business. Elle prend aussi conscience des besoins des artisans. « Ce qui me faisait de la peine, c’est le manque de considération pour ces métiers. Ils vivent dans des conditions difficiles. Ils sont pourtant très créateurs mais restent enfermés dans leurs bulles. Ce n’est pas qu’une histoire de prix. On ne peut laisser les artisans face à leur process de production et de gestion. N’oublions pas qu’un million d’artisans sont dans le secteur informel ! »

Avec son mari, elle co-fonde la plateforme Neolli. Ils investissent en fonds propres 100 000 dhs (9 000 euros, ndlr). Accompagnée par un incubateur, elle a pu bénéficier d’une aide de la Caisse Centrale de Garanties (CCG) sur la phase d’amorçage. Elle met en place une plateforme logistique à Marrakech pour la région Sud pour faciliter l’acheminent vers l’étranger notamment et envisage d’en ouvrir une autre dans le nord.

Ce besoin d’être proche des lieux de production permet aussi de mieux apprécier les terroirs marocains. « Il y a une vraie différence artistique dans les univers du pays. On peut avoir des ambiances chaudes à Marrakech, des teintes méditerranéennes dans le Nord ou de la rigueur dans les travaux artisanaux à Azilal par exemple. »

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Un patrimoine ancestrale en danger

Les clients de Neolli sont originaires du monde entier (Japon, Australie, Europe, etc..). Des nouveaux marchés s’ouvrent notamment en Asie avec une communication différente. Coté fournisseurs, Mariem Faghraoui et son mari ne comptent pas s’arrêter au Maroc. L’Afrique leur tend les bras, « avec les mêmes soucis logistiques et du coté informel. »

Contrairement à d’autres, le Covid-19 leur a été bénéfique avec un report des achats vers le digital. Il leur a permis aussi de mieux recruter des artisans qui ne savaient pas comment vendre sur le web.

Neolli se place donc dans un secteur qui connait de la croissance, plus de ventes, de structurations et l’arrivée de marques étrangères. Pour autant, Mariem Faghraoui alerte. « J’ai pu voir  l’évolution de ce métier. Plusieurs artisans m’ont avoué qu’ils ne souhaitaient pas transmettre leur savoir faire ni à leurs enfants, ni à quelqu’un d’autre. Sans considération pour ces faiseurs de merveilles, on risque de voir disparaitre un patrimoine marocain ancestrale. »

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EMERGING  Mediterrranean comme un boost pour leur entreprise

Fière de son entreprise, elle estime ne pas avoir eu de problèmes pour monter sa société en tant que femme. « Les gens sont bienveillants. Dans le numérique, les femmes osent l’aventure entrepreneuriale. Leur niveau d’exigence est important. Sur le financement, avec un projet crédible, on peut trouver de l’aide »

Lauréate 2021 d’EMERGING Mediterranean, elle en retient l’expérience en général qui lui a été bénéfique. « C’était un moment fort d’échanges et de remises en question. Nous sommes dans une phase d’accélération et de changement d’échelle. On a pu côtoyer des experts, réaliser nos challenges et avoir de la visibilité. Derrière nous, ce sont les artisans qui ont été récompensés. »

 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.