Les Etats-Unis réduisent drastiquement le montant de l’USAID à la Tunisie

 Les Etats-Unis réduisent drastiquement le montant de l’USAID à la Tunisie

Samantha Power

C’est désormais officiel : les Etats-Unis comptent réduire de moitié leurs aides à la Tunisie au titre du budget de l’USAID pour l’année 2023. Un moyen de rétorsion économique qui sonne comme un avertissement. 

C’est ce qu’a annoncé la directrice de l’Agence américaine de développement international (USAID), Samantha Power, à deux reprises cette semaine. Lors de la première occasion, elle s’exprimait dans le cadre d’une séance plénière virtuelle où elle était auditionnée par des membres du Congrès US, sur les « 45 millions de dollars, soit deux fois moins que lors de l’exercice 2021 » alloués à la Tunisie cette année.

« La Tunisie demeurait jusqu’ici l’unique lueur d’espoir qui a survécu au Printemps arabe. Nous voyons à présent des régressions démocratiques substantielles comparables à celles que nous voyons en Moldavie. Nous ne voulons pas que le même scénario s’y reproduise où des puissances financières attendent cette opportunité pour en profiter. En Tunisie nous continuons à financer la société civile dont le rôle est en déclin depuis les récentes actions non démocratiques du président Saïed, mais nous œuvrons à trouver des canaux d’assistance, notamment en vue d’aider à la tenue d’élections libres si du moins elles sont encore possibles ».

« Démocratie déviante »

Le 17 mai, soit quatre jours après la prestation de serment des nouveaux membres de l’instance électorale « indépendante » pour les élections (ISIE) désormais nommés par le président Saïed, la même Samantha Power s’exprimait devant le Comité des affaires étrangères du Sénat des États-Unis, toujours autour du budget USAID.

Dans son allocution, elle a cette fois expliqué sa décision par « le virage décevant qu’a pris le pouvoir tunisien actuel » et « les dérives constatées s’agissant de l’Etat de droit et des institutions démocratiques », qualifiant le pays désormais de « démocratie déviante ». Elle a toutefois indiqué que les États-Unis étaient prédisposés à reconduire ses aides à la Tunisie « en cas de retour sur la voie de la démocratie ».

Samantha Power qui s’exprimait ici connait d’autant mieux la région qu’elle est journaliste de formation, ancienne ambassadrice des États-Unis aux Nations unies de 2013 à 2017 puis administratrice de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) depuis mai 2021.

Le 18 mai, l’ISIE décidait de diffuser publiquement, en direct, sa première réunion consacrée à l’organisation du référendum présidentiel du 25 juillet où les Tunisiens seront appelés à voter pour ou contre la Constitution de la « Nouvelle République » de Kais Saïed. Des débats extrêmement houleux, où un ancien membre du Conseil de l’ISIE, Sami Ben Slama, réintégré à la nouvelle mouture de l’ISIE par Kais Saïed, accuse le nouveau président de l’instance de mauvaise gouvernance. A plusieurs reprises, Ben Slama demande de couper la transmission du direct.

 

« Un pénible étalage sur la place publique de la cuisine interne de l’ISIE » qui n’arrange pas les choses selon les internautes, d’autant que le président Saïed s’est récemment prononcé contre la participation d’observateurs étrangers aux prochaines échéances électorales.

« Le non-remplacement de l’ambassadeur américain en Tunisie, Donald Blome, dont le mandat a pris fin en avril, n’empêche pas le Département d’Etat de muscler encore la sécurité de sa mission à Tunis », écrit Africa Intelligence dans son édition du 20 mai 2022. Le site indique par ailleurs que des US Marines supplémentaires vont sécuriser l’ambassade des Etats-Unis à Tunis, sise au quartier des Berges du Lac II, au nord de Tunis. La même source spécule que la mesure a été prise en raison du risque accru d’émeutes sociales.

>> Lire aussi : Tunisie. Prise de contrôle de l’ISIE : les réactions se multiplient à l’international

 

Seif Soudani