Maroc : Un besoin de renouveau de la politique française

 Maroc : Un besoin de renouveau de la politique française

crédit Photo : Carl Court/Getty Images via AFP

Tribune de Sébastien Boussois

Tribune de Sébastien Boussois
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Alors que le monde entier est en train de présenter ses condoléances au Maroc, après le terrible séisme de magnitude de 7 sur l’échelle de Richter qui a touché Marrakech et sa région, la question de l’aide internationale pour venir en aide aux victimes se pose déjà. Le chercheur en géopolitique, Sébastien Boussois revient sur la relation France-Maroc.

Le puissant séisme a été ressenti dans tout le pays et jusqu’en Espagne et au Portugal et le nombre de victimes ne cesse de croitre. Emmanuel Macron, qui est actuellement à Delhi en Inde comme tous les grands dirigeants de ce monde pour le G20, s’est dit « bouleversé » par le drame et a proposé l’aide de la France. Est-ce suffisant ?

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Elan d’aide internationale

Désormais, il faut réagir dans les 48 heures pour espérer trouver le plus grand nombre de rescapés mais la tâche est ardue, tant la violence du tremblement de terre a été forte, l’évènement inattendu ou imprévisible, et le moment le pire, c’est-à-dire en pleine nuit quand les gens dorment. Un élan de solidarité s’organise déjà sur place, à Marrakech et dans la campagne et auprès des montagnards qui va jusqu’à l’épicentre dans l’Atlas. Mais le Maroc, qui a ce stade n’a rien demandé, aura besoin de toutes les mains et de tous les soutiens matériels.

Chine, Turquie, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Israël, Allemagne, Espagne, Turquie … sont parmi les premiers pays a avoir proposé leur soutien. Une catastrophe comme cela, comme la Turquie l’a vécu aussi cette année avec la Syrie, c’est un bon moyen de voir sur qui vraiment compter… et surtout sur qui vouloir vraiment compter. En géopolitique, les drames humains peuvent souvent renforcer des alliances ou en redéfinir d’autres. C’est un opportunisme politique comme un autre.

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Des millions d’aides vs visas

La France vient certes de débloquer une aide d’urgence de quelques 500 000 euros mais il faut rappeler que la relation de Paris avec Rabat est assez exécrable depuis deux ans et qu’encore hier les deux pays se regardaient en chiens de faïence. Si les catastrophes naturelles ne doivent pas servir à la récupération politique, elles peuvent montrer la bonne foi et la sincérité des uns et des autres et offrir la chance d’un rétablissement de bonnes relations avec un pays incontournable du Maghreb, pour notre politique et pour nos échanges économiques. Or la défiance de Rabat avec Paris est maximale. Pourquoi ?

A l’automne 2021, Paris avait annoncé sa volonté de réduire le nombre de visas accordés au Marocains pour venir sur le sol français, reprochant au Maroc comme à d’autres pays du Maghreb de ne pas collaborer assez avec les autorités hexagonales en cas d’irrégularité de séjour et nécessité d’expulsion.

Puis vint l’affaire Pegasus, une vaste affaire d’espionnage d’une officine israélienne qui aurait surveillé nombre de personnes de la société civile marocaine et même des personnalités françaises dont Emmanuel Macron pour le compte du Maroc, et que certains voient aujourd’hui davantage comme une opération orchestrée de toutes pièces pour déstabiliser le régime chérifien au profit de l’Algérie[1].

Le choix clair du Président Macron

Or, le Président Macron a fait le choix clair de l’Algérie depuis deux ans, refusant de reconnaître le Sahara Marocain, et donc le plan d’autonomie proposé par Rabat, alors que Trump avait lancé le mouvement, qu’Israël l’avait fait dans le cadre des accords d’Abraham, et que des pays européens comme l’Allemagne ou l’Espagne ont déjà apporté leur soutien à Mohammed VI.

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, la France, en quête de gaz, s’était ouvertement rapproché avec de grands sabots du régime algérien. Emmanuel Macron espérait bien en obtenir, puis s’était rendu dans le pays il ya un an à l’occasion des 60 ans de l’indépendance d’Alger.

Une relation à rééquilibrer

Paris ne peut indéfiniment par son attitude agressive, arrogante et orientée, continuer à se fâcher avec la terre entière, à commencer par l’Afrique. Le rejet de Paris est à son paroxysme et on le voit notamment au Sahel. La catastrophe que vit Rabat actuellement doit être l’occasion à minima pour Paris de rééquilibrer ses relations sur l’ensemble du Maghreb sans faire de l’Algérie, qui vit une impasse politique économique et sociale totale, son « fils adoptif ». Actuellement, il n’y a toujours pas de nouvel ambassadeur marocain à Paris, c’est dire l’état de la relation.

Qu’Emmanuel Macron, soit bouleversé est une chose, mais cela devrait dépasser le bouleversement que certains auront aujourd’hui au vu de la situation pour leurs riads et leurs villas dans la palmeraie. Paris doit sortir du blocage absurde, apporter un maximum d’aide aux populations marocaines, et redynamiser par la suite cette relation historique qui est fondamentale y compris pour nos entreprises. En attendant, ce sont la Chine, les Etats-Unis, l’Espagne, l’Allemagne qui s’enracinent au Maroc sans parler de la relation fraternelle avec Israël.

Tout ça pour ça pour Macron ?

Oui tout ça pour ça, puisque le gaz algérien n’a jamais remplacé le gaz russe qui nous faisait défaut depuis un an et demi. L’Italie en « lune de miel » avec Alger était déjà passée par là avant. Pendant ce temps-là, l’Algérie renforce sans complexes un peu plus encore son partenariat stratégique avec la Russie en juin dernier, comme si la guerre en Ukraine n’avait jamais existé. Comment Emmanuel Macron pourra-t-il continuer à gérer de tels grands écarts géopolitiques ?

 

La rédaction