Youssef Bouchikhi : « On est obligé de rassurer »

 Youssef Bouchikhi : « On est obligé de rassurer »

crédit photo : Nathalie Guyon/FTV


Chroniqueur culturel, le journaliste, qui officie depuis 2005 à France Télévisions, écume les salles parisiennes depuis des décennies pour dénicher les spectacles à ne pas rater et interviewer les artistes en tête d’affiches. 


Comment êtes-vous “tombé” dans le journalisme culturel ?


Petit, je rêvais déjà de travailler à la télévision. Issu d’une famille d’immigrés, je n’ai pas bénéficié d’une transmission culturelle. C’est mon instituteur en CM2 qui m’a fait découvrir le théâtre et la musique classique. Cela a été un détonateur pour moi. Enfant, je regardais les ballets, l’émission littéraire Apostrophes, présentée par Bernard Pivot, sur Antenne 2. L’univers du livre me fascinait. Personne dans ma famille n’avait ce rapport à la culture.


 


Comment avez-vous réussi à exercer le métier de vos rêves ?


J’avais la trentaine et j’avais repris des études d’arts du spectacle. Lors d’une retraite chez les jésuites, dans une abbaye, j’ai rencontré Jean Birnbaum, qui est aujourd’hui journaliste au Monde. Ce fut un vrai coup de foudre, et encore aujourd’hui, nous sommes les meilleurs amis du monde. A l’époque, on lui avait proposé de rejoindre Thierry Ardisson pour l’émission Rive Droite/Rive Gauche (diffusée quotidiennement sur Paris Première de septembre 1997 à mai 2003, ndlr). Il a décliné l’offre et m’a recommandé. Je ne me sentais pas du tout légitime mais Jean a su me décomplexer. J’y suis allé et j’ai beaucoup travaillé pendant deux ans. Après cette expérience, je n’ai plus eu besoin de chercher un emploi. Mon téléphone sonnait en permanence…


 


Quel est votre meilleur souvenir de plateau ?


J’avais invité un directeur de cirque. Il est venu avec ses lions en cage ! C’était le branle-bas de combat chez les responsables de la sécurité de France Télévisions. C’était en 2007, je n’avais pas encore signé mon CDI… j’étais persuadé que j’allais me faire trucider par ma hiérarchie. En fait, pas du tout ! Pendant tout le journal d’Elise Lucet, on entendait les fauves rugir. On a fait la meilleure audience ce jour-là !


 


Quel conseil donneriez-vous à un jeune issu de la ­diversité souhaitant exercer ce métier ?


Quand j’étais jeune, j’avais assisté à une conférence où Patrick Poivre d’Arvor affirmait à des étudiants qui voulaient exercer la même profession que lui : “Si vous souhaitez vraiment le faire, vous pouvez et vous devez le faire.” Après, il faut travailler, lire, être curieux. Ne jamais perdre une journée à ne rien faire. Maintenant, c’est vrai que quand on s’appelle Youssef ou Mohammed, on est forcément dans la séduction. On est obligé de rassurer. Moi je n’en ai plus besoin, mon parcours est fait. On doit fournir deux fois plus d’efforts, c’est motivant !


 


Une recommandation culturelle pour cet été ?


Le festival d’Avignon. Quel bonheur ! J’y vais tous les ans. C’est formidable : la ville est en fête ! Les comédiens sont accessibles. On peut discuter avec tout le monde, voir des spectacles variés. 

Fadwa Miadi