France. Les musulmans exaspérés face à la stigmatisation

 France. Les musulmans exaspérés face à la stigmatisation

Tariq Ramadan était bien présent au salon du Bourget malgré les réserves émises par le gouvernement


La 29e rencontre annuelle de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) organisée au Bourget s’est terminée hier lundi. L’évènement a encore une fois attiré les foules avec entre 100 000 et 150 000 visiteurs musulmans. Beaucoup ne cachaient pas leur exaspération face à la stigmatisation dont est victime leur communauté. (Photo AFP)




 


Des policiers à perte de vue. Pour sa 29è édition, le salon a connu une ambiance particulière. Devant l’entrée, l’important dispositif de forces de l’ordre n’a pas bougé des quatre jours. Claude Guéant avait prévenu lors de l’ouverture de la rencontre, « la police interviendra auprès des femmes voilées de façon intégrale, à l’extérieur de l’enceinte ». Pas certain que le dispositif ait été mis pour elles.


Depuis l’affaire Merah, le gouvernement a sorti les crocs à l’adresse de la communauté. Six conférenciers ont été interdits de venir sur le territoire français. Tariq Ramadan, intellectuel suisse controversé, était bien présent malgré les réserves émises par le gouvernement.


L’UOIF qui organisait le salon, avait reçu une lettre du président Nicolas Sarkozy qui mettait en garde contre les « porteurs d’appels à la haine, à la violence et à l’antisémitisme ».


 


« Il ne faut pas généraliser »


Dans les allées du salon, les pratiquants oscillaient entre énervement et exaspération. Tarek Oubrou, imam de Bordeaux résumait en une phrase la pensée générale : « Il ne faut pas généraliser une exception, tous les musulmans de France ne sont pas des Merah ».


Mais si tout le monde regrette cette stigmatisation, ici, personne n’est dupe. « La droite avec ses arguments identitaires et la gauche avec ses arguments de liberté et d’égalité hommes-femmes stigmatisent l’islam par stratégie électoraliste, mais cela peut s’avérer nuisible en créant une fracture ethnico-religieuse », déclarait Marwan Muhammad, porte-parole du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF).


 


Tariq Ramadan, star du salon


C’est bien lui qui était la vedette ce week-end. Samedi soir, le conférencier suisse a tenu un discours, « Foi, réforme et espérance » passé en boucle depuis dans tous les stands du Bourget.


L’intellectuel a insisté sur la notion du « vivre-ensemble qui perdurera » alors que « l’élection présidentielle va s’achever ». Selon lui, « le problème réside dans le fait que ceux qui stigmatisent les musulmans ont une conception négative de l’islam ».


Tariq Ramadan s’en est ensuite pris au chef de l’État, rappelant qu’une « majorité de Français ne sont pas contents avec ce qui s’est passé depuis cinq ans », avant de rajouter à l’adresse des fidèles, « ne confondez pas la France avec ceux qui sont au gouvernement, apportez de la beauté, de la dignité à la France, faites le contraire de ce à quoi l’atmosphère vous pousse actuellement ».


Devant une salle bondée, le prédicateur suisse a même ironisé à l’adresse de ces « messieurs des renseignements ». « Rapportez aux instances dirigeantes ce qu’on a dit, pas ce qu’ils aimeraient qu’on ait pu dire », a-t-il lancé sous un tonnerre d’applaudissements.


 


« Je voterai contre Sarkozy »


Hier, à la sortie du salon, l’énervement était encore palpable. Si certains musulmans refusaient de s’exprimer de peur de voir « déformer leur propos », d’autres s’arrêtaient pour nous faire part de leur « exaspération ». Hanane, 27 ans, mère de deux enfants, en a « marre ». « Marre de voir toute une communauté pointée du doigt avant chaque élection. On a l’impression d’être des pestiférés », s’emporte-t-elle.


Un sentiment qui risque de se ressentir dans les urnes. À deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle, nombreux sont les électeurs musulmans présents dans les allées du salon à avoir fait leur choix. « Je voterai contre Sarkozy, peu importe le candidat, tant que ça peut l’empêcher de passer », témoigne Smaïn, 29 ans. À l’image de Smaïn, beaucoup ne voteront pas par adhésion, mais plutôt par opposition.


Avec cette politique de stigmatisation, le candidat UMP va peut-être réussir à siphonner une partie de l’électorat FN. Il peut être certain en revanche d’avoir perdu une grande partie de l’électorat musulman.


Jonathan Ardines

 

Jonathan Ardines