Près de 40 mille ingénieurs ont quitté la Tunisie en 5 ans

 Près de 40 mille ingénieurs ont quitté la Tunisie en 5 ans

L’Observatoire national de la migration (ONM), l’Institut national de la statistique (INS), ainsi que le Centre international du développement des politiques migratoires ont publié mardi soir les résultats de l’Enquête nationale sur la migration internationale « Tunisia Hims 2020 ». Un document édifiant sur l’état de la fuite des cerveaux en Tunisie.

Financée par le Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne en faveur de la « lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique », les auteurs de l’étude précisent qu’elle a été menée dans le contexte de l’instabilité politique et de la crise économique aggravée par la pandémie Covid-19.

Sur les 566 mille Tunisiens de plus de 15 ans qui ont vécu en Tunisie et qui sont aujourd’hui installés à l’étranger depuis plus de trois mois, 50% d’entre eux ont émigré depuis 2010 (au total les Tunisiens résidents à l’étranger sont estimés à 1,3 million). Entre 2015 et 2020, plus de 39.000 ingénieurs et 3.300 médecins ont quitté la Tunisie vers des pays étrangers, le plus souvent pour l’Europe. Ainsi, près d’un tiers des migrants actuels ont un niveau d’études supérieur.

 

 1,7 million de Tunisiens désirent quitter leur pays

Toujours selon cette enquête, environ 20% des non-migrants (expression qui désigne en l’occurrence des Tunisiens qui résident en Tunisie et qui n’ont pas résidé plus de trois mois à l’étranger) ont l’intention d’émigrer, soit un chiffre alarmant de pas moins de 1,7 million de citoyens.

Dans le détail, cette proportion est constituée de 50,4% d’hommes âgés entre 15 et 24 ans et de 34% de femmes de la même tranche d’âge. En clair, la majorité des jeunes Tunisiens ne souhaitent pas rester dans le pays si le choix leur en est donné.

>> Lire aussi : Un « accord tacite » d’expulsion des migrants tunisiens en France ?

On y découvre par ailleurs que 18,5% des non-migrants souhaitant émigrer sont pourtant professionnellement occupés, que 35,8% d’entre eux sont au chômage et que 36,6% sont célibataires.

14,3% des migrants potentiels auraient en outre d’ores et déjà « entamé les démarches » en vue de réaliser leur projet. 78,4% souhaitent émigrer pour « rechercher de l’emploi et de meilleures conditions de vie » et 66,3% choisissent l’Europe comme destination potentielle. 5,5% des non-migrants avouent « être prêts à l’émigration irrégulière si la démarche légale n’aboutit pas ». Ils sont à 9,1% des hommes et 2,2% de femmes.

Ces dernières années, la proportion de jeunes femmes dans les embarcations clandestines de migrants en provenance de la Tunisie a visiblement augmenté, comme en attestent les vidéos filmées à bord des engins de fortune, même si elles restent beaucoup moins nombreuses que les jeunes hommes à passer à l’acte.

En Tunisie, la plupart des boîtes informatiques offrent des salaires pour ingénieurs débutants aux alentours de 1000 à 1500 dinars tunisiens par mois en moyenne. Après deux à trois ans d’expérience, un ingénieur senior peut facilement toucher un salaire net entre 2000dt et 3000dt par mois. Un chef de projet ou un directeur technique peut aller jusqu’à 5000dt par mois. Cependant nombreux sont les diplômés qui se rabattent sur des métiers hors spécialité pour éviter le chômage, acceptant des salaires modiques aussi bas que 800dt.

Les statistiques de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), évaluaient à 281 millions le nombre de migrants dans le Monde en 2020, soit 3,6% de la population mondiale. Bien que les flux migratoires se soient récemment ralentis en conséquence de la pandémie du Covid-19, la tendance des vingt dernières années montre une accélération des migrations dans leurs diverses formes. La Tunisie n’a pas échappé à cette tendance, notamment depuis la révolution de 2011.

Seif Soudani