Les frappes américaines inédites en Syrie signalent un important changement de cap

 Les frappes américaines inédites en Syrie signalent un important changement de cap

Missile de croisière Tomahawk dont le coût est estimé à 600 mille dollars l’unité


Le président américain Donald Trump a annoncé dans la nuit du jeudi au vendredi avoir ordonné une frappe ciblée punitive contre le régime syrien de Bachar al-Assad. Il y a deux jours, Trump dénonçait « un affront à l’humanité », ce qui signalait déjà un changement de ton vis-à-vis du régime qui a manqué à son engagement de détruire son arsenal chimique, en recourant au gaz Sarin pour bombarder le village de Khan Cheikhoun. Une soixantaine de missiles de croisière se sont abattus sur une base aérienne du régime syrien, la rasant totalement.



« En utilisant un agent neurotoxique mortel, Assad a arraché la vie à des hommes, femmes et enfants sans défense. Beaucoup ont connu une mort lente et brutale. Même de beaux bébés ont été cruellement assassinés dans cette attaque véritablement barbare. Aucun enfant de Dieu ne devrait avoir à subir une telle horreur… Ce soir, j'ai ordonné une frappe militaire ciblée sur la base aérienne en Syrie d'où a été lancée l'attaque chimique. Il est dans l'intérêt vital de la sécurité nationale des Etats-Unis d'empêcher et de dissuader la dissémination et l'utilisation d'armes chimiques mortelles. » A déclaré Donald Trump sur un ton grave.


La Russie a dénoncé vendredi les frappes américaines contre la Syrie comme une "agression contre un Etat souverain", les alliés de Washington applaudissant pour leur part cette première opération militaire américaine contre le régime de Damas.


"Cette action de Washington cause un préjudice considérable aux relations russo-américaines, qui sont déjà dans un état lamentable", a ajouté le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.


Vendredi, Moscou, principal allié du régime syrien, a annoncé la suspension de l'accord avec Washington sur la prévention d'incidents aériens en Syrie, et réclamé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU.


L'Iran, autre allié du régime syrien, a lui aussi "vigoureusement" condamné les frappes américaines. Cette attaque ne fera qu'"aider les groupes terroristes qui sont en déclin et compliquer encore la situation en Syrie et dans la région", a affirmé Bahram Ghassemi, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères.


Le président Bachar al-Assad porte "l'entière responsabilité" des frappes américaines, ont estimé la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande dans un communiqué commun, assurant que Washington les avait informés au préalable de son action.


Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a estimé que ces frappes étaient un "signal" qui doit conduire Russes et Iraniens à comprendre qu'ils ne peuvent plus soutenir "à bout de bras" le régime de Bachar al-Assad. Son homologue allemand Sigmar Gabriel a estimé que les frappes étaient "compréhensibles", tout en appelant à une solution politique sous l'égide de l'ONU.


Londres a de son côté annoncé "soutenir pleinement l'action des Etats-Unis". Ces frappes sont "une réponse appropriée à l'attaque barbare à l'arme chimique perpétrée par le régime syrien", a estimé un porte-parole de Downing Street.


La Turquie s'est également félicitée de ces frappes américaines, qu'elle a jugées "positives", selon le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus. "Le régime de (Bachar al-)Assad doit être puni entièrement sur le plan international", a-t-il ajouté dans des déclarations à la chaîne Fox TV.


Autre allié de poids des Etats-Unis dans la région, l'Arabie saoudite a salué la décision "courageuse du président (Donald) Trump" et assuré qu'elle "soutenait pleinement" les frappes américaines, selon un responsable au ministère des Affaires étrangères.


La Chine a appelé à "éviter toute nouvelle détérioration de la situation" en Syrie, tout en condamnant "l'usage d'armes chimiques, par n'importe quel pays".


Cette réaction mesurée est intervenue au moment même où l'agence officielle Chine nouvelle annonçait que le président Trump, qui a ordonné les frappes en Syrie lors d'un sommet en Floride avec son homologue chinois Xi Jinping, avait accepté de se rendre en visite en Chine en 2017.


Le journaliste et documentariste Antoine Vitkine regrette que « l'inaction précédente de l'Administation Obama ait permis à Trump de redorer son image à si bon compte », ajoutant : « ne pas frapper en 2013 était probablement une erreur et en tout cas une faute morale, mais pas une décision prise à la légère par Obama (je sors une longue enquête à ce sujet). La situation en 2013, en Syrie, était bien différente. Les questions qui se posaient à Obama étaient : la possibilité qu'une réplique américaine entraîne la chute du régime Assad alors très affaibli et les lourdes interrogations sur ce qui viendrait après. Deuxièmement un risque d'engrenage militaire dans un contexte où Bachar et ses parrains pouvaient avoir intérêt à un bras de fer avec Washington. Obama a tranché, au prix d'une atteinte à la crédibilité américaine ("ligne rouge"), d'un renforcement de Bachar et ses alliés et d'une prime à l'opposition la plus radicale. Mais ces deux questions, en particulier la première, ne se posent plus vraiment aujourd'hui. Intervenir est plus aisé, et c'est une bonne chose de l'avoir fait ».


 


S.S

Seif Soudani