Toulouse. Il y a vingt ans, la liste Les Motivé-e-s faisait un carton aux municipales

 Toulouse. Il y a vingt ans, la liste Les Motivé-e-s faisait un carton aux municipales

Salah Amokrane, ancien chef de file des Motivé-e-s (2001). JEAN-FRANÇOIS MONIER / AFP / Décembre 2017

La liste Les Motivé-e-s, avec à sa tête Salah Amokrane, n’est pas un parti, ses attaches se situent dans l’action associative et la musique. Une liste largement identifiée au groupe de musique toulousain Zebda. Au premier tour, avec 12,4 %, cette liste réalise un véritable exploit en se classant 3e.

 

Nous sommes en janvier 2001, et dans la quatrième ville de France, à Toulouse, la campagne pour les élections municipales bat son plein. Le premier tour a lieu dans quelques semaines, le 11 mars. Une campagne marquée cette année par la présence d’une liste citoyenne issue des quartiers populaires qui grimpe tout doucement mais sûrement dans les sondages. Près de 15 000 Toulousains font alors confiance aux Motivé-e-s. Une formidable aventure électorale qui marquera à tout jamais l’histoire des luttes des quartiers populaires. Interview avec Salah Amokrane, militant associatif.

LCDL : Quel bilan tirez-vous vingt ans plus tard de votre épopée municipale ?

Salah Amokrane : Le bilan est plutôt positif.  Nous avons réussi à fédérer au-delà des quartiers populaires. Une alliance entre une kyrielle de militant-e-s toulousains, des féministes, des militants du milieu culturel, des altermondialistes, des syndicalistes…

Ce que je tire en premier lieu de cette aventure, c’est qu’on a prouvé que c’était possible d’exister de manière autonome, et de peser sur le débat électoral, en dehors des partis politiques. Je crois que nous avons également démontré que notre proposition correspondait à une véritable attente de renouvellement des pratiques politiques.

On a vu ensuite à quel point les sujets de démocratie participative, d’égalité femmes/hommes, ont pris de l’importance dans les années qui ont suivi et jusqu’à aujourd’hui.

Avec le recul, avez-vous quelques regrets ?

Oui, bien sûr. Ca ne peut jamais être parfait. Je pense que nous avons fait preuve parfois d’un peu de naïveté. Notre faiblesse a été notre générosité. Nous nous sommes montrés très ouverts, trop ouverts sans doute !, pas assez sur nos gardes, et certains militants plus expérimentés en ont abusé. La démarche était ultra-démocratique, c’est allé très vite et nous étions parfois un peu dépassés par les évènements. Paradoxalement, je pense que nous n’avons pas assez mis en valeur cette question des quartiers populaires…

Quelles ont été les raisons de votre succès ?

Tout d’abord, nous avons beaucoup travaillé et nous étions tous unis. Et puis, la présence des membres de Zebda dans notre liste (NDLR : le groupe toulousain, dont deux membres du groupe sont les frères de Salah Amokrane étaient alors en plein succès), nous a beaucoup aidés médiatiquement.

En ce début d’années 2000, nous répondions également à une attente de la part d’une partie de la population. C’était l’époque des grands forums sociaux où des rencontres étaient organisées pour permettre des réflexions de fond, des débats d’idées, des échanges d’expériences avec l’élaboration de projets d’actions, la formulation de propositions… La campagne électorale a été pour nous tous incroyable. Nous étions des centaines, nous étions partout dans la ville, c’était un moment fabuleux.

Regrettez-vous d’avoir fusionné au second tour avec le candidat socialiste François Simon ?

Pas du tout. François Simon nous a respectés, et l’enjeu de mettre fin à plusieurs mandats de la droite, a été déterminant pour faire ce choix. C’est une décision que nous avions murement et collectivement réfléchi.

Vous êtes toujours militant associatif dans les quartiers populaires. Comment jugez-vous la situation de ces vingt dernières années ?

Nous n’avons jamais cessé d’agir dans les quartiers populaires. Cette question du devenir des quartiers populaires est devenue pour nous une question centrale politiquement. Apres les révoltes sociales de 2005, nous avons d’ailleurs fondé le FSQP (NDLR : Forum Social des Quartiers Populaires), avec le MIB (NDLR : Mouvement Immigration Banlieue), Agora Divers-cité… Malheureusement, les choses se sont beaucoup tendues, notamment à propos des questions identitaires.

Bien entendu, en 2001, la situation était différente. Notre liste Motivé-e-s avait jailli avant le 11 septembre 2001, avant les révoltes de 2005, avant la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école, avant l’accession de Le Pen au second tour en 2002…

Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas nous aussi vécu une campagne raciste.  Au second tour, on pouvait entendre et lire « pas d’arabes au capitole ». Depuis le racisme anti-arabe s’est transformé en islamophobie.

La question des quartiers populaires s’est politisée et les initiatives issues des quartiers ou les mobilisations contre les violences policières sont devenues importantes et très visibles dans le débat public, comme les actions du Comité Adama par exemple. Sur le terrain électoral, les choses ont évolué aussi et nous avons aujourd’hui énormément d’élu-e-s issus des quartiers, même s’ils sont parfois membres de partis.

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Nadir Dendoune