Tribune Etudiant-e-s Juif-ve-s de Sciences Po

 Tribune Etudiant-e-s Juif-ve-s de Sciences Po

Nous sommes 36 étudiant-e-s juif-ve-s à Sciences Po et effaré-e-s de la tournure récente des événements et de l’emballement médiatique et politique qui a suivi. Nous refusons d’être instrumentalisé-e-s pour servir la répression des voix palestiniennes, et avons écrit une tribune dans ce sens.

English version below

Mardi 12 mars au matin a eu lieu une mobilisation d’étudiant-e-s engagé-e-s contre les massacres de masse systématiques en cours sur la bande de Gaza et l’occupation par Israël des terres palestiniennes. Sur la base de récits approximatifs, un emballement médiatique et politique démesuré a suivi pour accuser ces mobilisations d’antisémitisme. Sciences Po a elle-même saisi le procureur de la République pour des “faits à caractère antisémite”, tandis que l’école voyait la visite du premier ministre et de la ministre de l’enseignement supérieur.  En tant qu’étudiant-e-s juif-ves, nous dénonçons cette manipulation politique qui invisibilise notre expérience d’étudiant-e-s juif-ves horrifié-e-s par les horreurs commises contre la population gazaouie. La direction de Sciences Po et les responsables politiques font de nous des cautions pour leur permettre de réprimer la liberté d’expression et les mobilisations pour la justice en Palestine. Nous refusons fermement d’être instrumentalisé-e-s de la sorte. Impliqué-e-s dans les mobilisations étudiantes pro-palestiniennes, nous réfutons les accusations d’antisémitisme menées à leur encontre et nous unissons à leurs côtés.

Les étudiant-e-s juif-ve-s ont fait partie intégrante de la mobilisation en faveur du peuple palestinien, tant sur le campus qu’en dehors, et ce depuis des mois. Le matin de ce mardi 12 mars, plusieurs étudiant-e-s juif-ve-s sont entré-e-s dans l’amphithéâtre Emile Boutmy et ont été présent-e-s pendant toute la durée de la mobilisation. Contrairement aux allégations, nous avons pu entrer dans l’amphithéâtre sans aucune entrave. L’une d’entre nous l’a fait librement, tout en portant autour de son cou l’étoile de David qu’elle porte depuis sa Bat Mitzvah. Elle a porté son collier à l’extérieur de son pull dans l’intention qu’il soit visible, afin que sa présence en tant que femme juive dans l’amphithéâtre soit connue. Une autre d’entre nous a fait une présentation dans le cadre de la mobilisation sur le judaïsme et l’antisionisme. Ironiquement, le cœur de sa présentation était de montrer comment le sionisme instrumentalise l’antisémitisme pour servir ses propres ambitions matérielles. L’altercation à la porte de l’amphithéâtre qui a été si lourdement défigurée par la presse s’est produite au moment où elle donnait sa présentation. À aucun moment de l’événement, nous ne nous sommes senti-e-s intimidé-e-s ou en danger du fait d’une action des organisateur-rice-s ou des autres participant-e-s à quelque titre que ce soit. Au contraire, nous avons été touché-e-s par le fait que nous nous sommes senti-e-s bien accueilli-e-s et inclu-e-s en tant que juif-ve-s pendant toute la durée de l’événement.

Les accusations d’antisémitisme contre les mobilisations pro-palestiniennes à Sciences Po ont été menées en grande partie par l’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF), et ce depuis octobre. L’UEJF dit représenter les étudiant-e-s juif-ve-s, nous affirmons que cette organisation ne nous représente pas, ni politiquement, ni religieusement. Sous couvert de lutte contre l’antisémitisme, l’UEJF développe un discours ouvertement hostile à toute revendication pro-palestinienne, et brille par son refus de critiquer la politique criminelle d’Israël. Les étudiant-e-s juif-ves de Sciences Po sont divers, n’uniformisons pas leurs voix. En voulant faire de tou-te-s les juif-ves des soutiens d’Israël, c’est l’UEJF qui porte un discours réducteur, refusant aux juif-ve-s la capacité de se battre pour la justice et mettant en danger tou-te-s les étudiant-e-s qui se battent pour la Palestine. Vider le mot antisémitisme de son sens, comme le fait l’UEJF, met les juif-ve-s en danger et nuit à la lutte réelle contre l’antisémitisme.

Malgré les menaces et les pressions nous continuerons de porter la voix d’une solidarité entre juif-ves et palestinien-ne-s. La lutte contre l’antisémitisme ne pourra jamais se faire au détriment des vies palestiniennes. Vive la Palestine libre ! Tahia Falasteen ! Tri falastin hahouvit ! Lang lebn di freye falestine !

Signatures :

N. F.
R. G.
S. O.
M. L. A.
L. S. D.
M. M.
A. C. M.
L. F.
L. V. L. L.
L. G.
S. P.
D. P.
B. D.
M. W.
S. S.
B. Y. K. I.
R. L.
G. J.
L. C.
S. E.
J. A.
A. S.
B.E.
A.H.
D. S.
E. D.
C. F.
P. M.
L. C.
M. Z.
L. D.
M. S.
J. R.
J. L. B.

Alumni :

J. H.
J. S.
E. D.

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English version

JEWISH STUDENTS AT SCIENCES PO : WE WON’T BE INSTRUMENTALIZED AGAINST PALESTINIAN VOICES

We, Jewish students at Sciences Po, refuse to be used to justify the repression of pro-Palestinian mobilizations.

On the morning of Tuesday March 12, a mobilization of students committed to opposing the mass systematic massacres in the Gaza Strip and Israel’s occupation of Palestinian land took place. On the basis of approximate accounts, a media and political frenzy ensued, accusing these mobilizations of antisemitism. Sciences Po itself referred the matter to the public prosecutor for « acts of an antisemitic nature », while the school was visited by the Prime Minister  and the Higher Education Minister. As Jewish students,  we denounce this political manipulation and repression of free speech which erases our experience of Jewish students who are deeply horrified by the horrors committed against the Gazan population. The Sciences Po administration and politics are taking these actions in our name as guarantors to enable the repression of free speech and mobilizations for justice in Palestine. We firmly refuse to be instrumentalized in this way. Involved in the pro-Palestinian student mobilizations, we refute the accusations of anti-Semitism levelled against them and unite alongside them.

Jewish students have been an integral part in the mobilization for the Palestinian people—both on-campus and off campus alike- and have been for months. On 12 March 2024, several Jewish students entered the Emile Boutmy amphitheater in the morning and were present throughout the entire duration of the demonstration. Contrary to the allegations, we were able to freely enter the amphitheater without any obstruction. One of us did so freely, while wearing the very Star of David around her neck that she has worn since her Bat Mitzvah. She was purposeful in wearing the necklace on the outside of her sweater with the intent for it to be visible, so that her presence as a Jewish woman in the amphitheater would be known. Another one of us gave a presentation on Judaism and anti-Zionism as part of the mobilization. Ironically, the core of her presentation was to show the ways in which Zionism instrumentalizes antisemitism to further its own material ambitions. The altercation in question at the door of the amphitheater which became so heavily disfigured in the press occurred at the same time that she was giving her presentation. At no point throughout the entire event  did we feel intimidated or unsafe due to any action from either the organizers or fellow attendees in any such capacity. Rather, we were touched by how welcomed and included we felt as Jewish people throughout its duration.

Accusations of anti-Semitism against the pro-Palestinian protests at Sciences Po have largely been made by the Union des Etudiants Juifs de France (UEJF), since last October. The UEJF claims to represent Jewish students, we affirm that this organization does not represent us, politically or religiously in any such capacity . Under the guise of fighting antisemitism, the UEJF develops a discourse which is openly hostile to any pro-Palestinian demand, and shines by its refusal to criticise Israel’s criminal policy. Jewish students at Sciences Po are diverse, let’s not uniformise their voices. By trying to make all Jewish people  supporters of Israel,  the UEJF is promoting a reductive discourse which actively denies Jewish people the ability to fight for justice and puts all students fighting for Palestine in danger. Emptying the word antisemitism of its true meaning, significantly threatens Jewish people and is detrimental to the real fight against antisemitism.

Despite all the threats and pressure, we will continue to speak out for solidarity between Jewish and Palestinian people. The fight against antisemitism will never be waged at the expense of Palestinian lives. Long live free Palestine! Tahia Falasteen! Tri falastin hahouvit ! Lang lebn di freye falestine!

 

La rédaction