Attentat du Bardo : les accusés refusent de comparaître

 Attentat du Bardo : les accusés refusent de comparaître

Musée du Bardo le jour de l’attentat


Commis le 18 mars 2015, l’attentat du Bardo avait fait 24 morts, dont trois français, et 45 blessés. Fait inédit pour la justice tunisienne : l’installation d’une caméra diffusant en duplex à Paris, ce qui cause les réticences de la défense. Récit.


Après d’innombrables reports et suite à une demande française en ce sens, la justice tunisienne avait accepté qu’une caméra vidéo soit placée au tribunal de première instance de Tunis lors de l’audience du procès du mardi 6 novembre 2018, afin de permettre aux parties civiles de suivre les débats en vidéoconférence depuis la cour d’appel de Paris.


Une première dans l’histoire de la justice tunisienne qui tient généralement ses procès à huis-clos, tout comme la justice française.


 


Vice de forme ?  


Seuls 3 accusés comparaissaient en état de liberté, des individus soupçonnés de complicité lointaine et logistique. Mais pas moins de 22 autres prévenus écroués devaient comparaître menottés, un nombre important qui les a visiblement fait opter pour une stratégie de la dissidence groupée.


A la surprise générale, ces derniers ont ainsi refusé de comparaître et sont restés rivés à leurs geôles du tribunal. Les avocats des accusés ont en effet affirmé que leurs clients « refusent d’être filmés craignant la divulgation de leurs données personnelles ». 


A l’issue de fastidieuses négociations, la justice tunisienne avait accepté qu'une caméra soit placée au fond du tribunal, de sorte que les accusés soient filmés de dos. Un dispositif vu la dernière fois en 2011, lors des premiers procès des responsables sécuritaires du régime déchu de Ben Ali, notamment lors du procès de Ali Seriati.


L'un des avocats des accusés a déploré de son côté le fait que le tribunal tunisien ait accepté que cette audience soit diffusée dans un tribunal français sans avoir demandé la permission de la défense, ce qui est un dysfonctionnement si ce n’est de la négligence. Au regard de la complexité supplémentaire qui en découle, la prochaine audience a été fixée pour le 25 janvier 2019, selon le porte-parole du parquet, Sofiene Sliti.


« Une parodie de justice »


C’est ce que redoutent les familles françaises, qui soulignent que deux jours d’audience en deux semaines prévues initialement, ne sauraient suffire pour juger 56 accusés au total, dont la moitié est en fuite en Syrie.


Cinq minutes d’intervention en français ont en outre été autorisées aux avocats des victimes françaises qui se sont déplacées à Tunis. Pis, lesdites victimes étaient privées d’aide juridictionnelle, faute de texte la prévoyant lorsque les faits se sont déroulés à l’étranger.


Me Pauline Manesse, qui défend 27 membres des familles des victimes avec Me Gérard Chemla, regrette pour sa part que « les victimes du Bardo ont toujours eu le sentiment d’être des victimes à part, de compter moins que les autres de l’année 2015 », allusion à l’attentat de Sousse, la même année, qui avait fait 39 morts.

Seif Soudani