Tunisie. Le risque de marée noire au golfe de Gabès reste réel

 Tunisie. Le risque de marée noire au golfe de Gabès reste réel

Plusieurs organisations écologistes pointent l’état du pétrolier qualifié de « cargo poubelle »

Le navire pétrolier transportant près de 750 tonnes de gazole, parti d’Égypte pour rejoindre Malte, avait coulé samedi dans le golfe de Gabès, au large des côtes sud-est de la Tunisie. Si les autorités se veulent rassurantes, estimant pouvoir éviter une catastrophe écologique majeure, les experts restent quant à eux divisés. Explications.

On en sait plus sur l’état du pétrolier : au lendemain de son naufrage au large des côtes tunisiennes, après qu’il ait demandé de changer de trajectoire suite au mauvais temps, des plongeurs militaires de la marine tunisienne ont procédé, hier dimanche, à des opérations d’inspection de la coque pour mesurer les risques de pollution. A cette heure « aucune fuite de gazole n’a été détectée », ont-ils indiqué. Cependant ce n’est pas la première fois que le scénario du déclenchement tardif d’une fuite est à écarter pour autant, comme en 2020 où les côtes de Djerba avaient fait face à un naufrage similaire. Déjà impactée par sa propre pollution industrielle, la région de Gabès n’en demandait pas tant.

 

Navire en piteux état et suspicions d’escroquerie à l’assurance

« L’équipe de plongeurs était accompagnée du capitaine et du mécanicien du navire, qui connaissent la configuration du navire », a souligné Mohamed Karray, porte-parole du parquet de Gabès, qui a ouvert une enquête sur les causes de l’accident.

Lorsque le pétrolier Xelo, qui fait 58 mètres de long sur 9 de large, chargé de 750 tonnes de gazole, a commencé à prendre l’eau, les autorités maritimes tunisiennes ont procédé à l’évacuation des sept membres d’équipage avant que le navire ne sombre dans la mer à l’aube.

Aujourd’hui la justice tunisienne s’intéresse au parcours du navire de 45 ans d’âge, construit en 1977 et battant pavillon de la Guinée équatoriale, ainsi qu’à ses propriétaires : un Turc et un Libyen, selon le parquet de Gabès.

Le ministère des Transports cherche à « vérifier la nature exacte de l’activité du navire et son trajet des dernières semaines ». Selon cette source, le Xelo a stationné du 4 au 8 avril dans le port tunisien de Sfax, au nord de Gabès, « pour changer d’équipage, se ravitailler et faire des réparations légères, sans effectuer de chargement ou déchargement ».

Mais selon l’ONG environnementale Robin des bois, ce bateau-épave était surtout en beaucoup trop mauvais état pour continuer de circuler sur les mers, et « n’aurait jamais pu accéder à un port européen », d’où de sérieux doutes qui pèsent encore sur l’incident.

 

Contenir une éventuelle marée noire

D’après Rabie el Majidi, ministre des Transports, durant les opérations de sauvetage, « les secouristes se sont assurés de fermer les cales pour éviter des fuites de gazole et les plongeurs ont constaté qu’elles sont intactes ».

« La situation n’est pas dangereuse, le diagnostic est positif, le navire est stable car il a heureusement coulé sur du sable », a affirmé le ministre lors d’un point presse dimanche dans le port de Gabès, avec sa collègue de l’Environnement.

La priorité des autorités est désormais le pompage du gazole pour éviter une pollution du site. Selon la ministre de l’Environnement, Leila Chikhaoui, « c’est dangereux mais possible ».

« Il est très délicat pour les plongeurs de repérer les sorties pour effectuer le pompage », a précisé toutefois Rabie el Majidi, minimisant toutefois l’ampleur des risques : « 750 tonnes de gazole c’est rien du tout » et « le gazole s’évapore facilement avec le soleil »… Une déclaration qui semble préparer les esprits au pire, dans un climat anxiogène pour les industries locale de la pêche et du tourisme.

Au moment où des barrages flottants anti-pollution ont été installés sur un périmètre de 200 mètres autour de l’épave, l’ambassadeur italien à Tunis, Lorenzo Fanara, a indiqué que le gouvernement italien a aussitôt décidé de l’envoi d’un navire de dépollution et d’une équipe de plongeurs spécialisés.

Seif Soudani