Tunisie. Une tardive et onéreuse adoption des documents biométriques

 Tunisie. Une tardive et onéreuse adoption des documents biométriques

L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a approuvé, mercredi soir 6 mars, à une large majorité deux projets de lois organiques visant à introduire la carte d’identité nationale et le passeport biométriques en Tunisie. Une adoption controversée cependant auprès de l’opposition non représentée au Parlement ainsi qu’une partie des Tunisiens et de la société civile qui craignent une mainmise du ministère de l’Intérieur sur les données personnelles des citoyens.

Les deux textes législatifs en question modifient ainsi de façon intégrale respectivement la loi 27 de 1993 concernant la carte d’identité nationale et surtout l’archaïque loi 40 de 1975 relative aux passeports et documents de voyage qui menaçait la validité du passeport tunisien à l’étranger au moment de la généralisation de la biométrique dans le monde.

Le premier projet de loi a été adopté avec une large majorité de 107 voix favorables, 3 voix opposées et 4 abstentions, tandis que le second texte relatif aux passeports biométrique a recueilli également 107 voix pour, mais pour 3 oppositions et 2 abstentions.

Des modifications législatives qui « marquent un tournant vers la modernisation des documents d’identité en Tunisie » se sont félicités les parlementaires, « en intégrant des données biométriques pour renforcer la sécurité et l’authentification des citoyens ». Le plaidoyer du ministre de l’Intérieur, Kamel Feki, qui a précédé le vote n’a cependant pas convaincu de nombreux observateurs.

« Que le ministre invoque le fait que le ministère de l’Intérieur tunisien veille à la stricte confidentialité de la base de données contenant les données personnelles des Tunisiens depuis 1940 n’est pas pour nous rassurer. Il devrait savoir que ce département n’est pas des plus appréciés par le peuple quand on connaît son instrumentalisation par divers régimes qui se sont succédés en Tunisie », ironise aujourd’hui Hassen Ayadi, « d’autant plus qu’en 1940 le pays était encore sous occupation française et qu’il s’agissait pour les autorités à l’époque de récolter un maximum d’information sur les résistants ».

 

Pas vraiment à la portée de toutes les bourses

Autre volet non encore fixé par la loi, nous savons depuis hier que l’obtention d’un passeport biométrique coûterait entre 120 et 240 dinars, soit près de la moitié d’un SMIG. Pour la carte d’identité biométrique, les frais varieraient quant à eux entre 45 et 60 dinars. C’est ce qu’a annoncé un député de la Ligne nationale souveraine pro pouvoir.

La députée et présidente de la Commission parlementaire des droits et libertés, Héla Jaballah a pour sa part avancé d’autres tarifs : selon ses déclarations un peu plus optimistes dans les médias nationaux, le passeport biométrique coûterait entre 120 et 180 dinars et la carte d’identité biométrique entre 25 et 40 dinars. Outre le modèle de puce utilisée et son cryptage, l’élue a expliqué la hausse des frais par « l’augmentation du nombre de pages du passeport et la possibilité d’intégrer la signature électronique ».

La loi sur la carte d’identité biométrique et le passeport biométrique étaient pour rappel examinés au Parlement par la Commission parlementaire des droits et libertés depuis décembre 2023. Or, la Tunisie est très en retard dans l’adoption de ces documents d’identité biométriques, le passeport en particulier, en comparaison avec d’autres pays africains.

Ainsi le Maroc dispose à titre d’exemple de passeports biométriques depuis 2008. Le coût moyen pour l’obtention de ce document pour un adulte y est de 1.045 dirhams soit l’équivalent de 300 dinars. Aux Etats-Unis, un adulte doit débourser 165 dollars au minimum. En France, un passeport biométrique coûte en frais  17 euros pour une personne mineure de moins de 15 ans, 42 euros pour une personne mineure de 15 à 18 ans, et de 86 à 96 euros pour un personne majeure.

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Seif Soudani