Edito. Il y aura bien un avant et un après Mondial

 Edito. Il y aura bien un avant et un après Mondial

De retour au pays, les Lions de l’Atlas ont été accueillis en héros par des dizaines de milliers de Marocains qui se sont massés le long du parcours emprunté par l’autobus où étaient prêchés les joueurs, depuis l’aéroport jusqu’aux avenues du centre ville de Rabat, le 20 décembre 2022. FADEL SENNA / AFP

Ils sont rentrés au pays dans une atmosphère féérique, une capitale (Rabat) finement parée pour l’occasion, un pays et toute une population s’est déplacée en masse, ivre de revoir ses héros revenir au bercail, là devant eux, en chair et en os, après avoir mis de la joie dans le cœur de tous les damnés de la terre, des réfugiés syriens, aux enfants affamés du Yémen en passant les Palestiniens assiégés de Gaza.

 

A Doha, les Marocains ont bien inventé l’optimisme. Mais de quoi cette liesse, ce bonheur inouï sont-ils le nom ? Pourquoi ce rugissement des Lions de l’Atlas a-t-il dépassé les enceintes du stade du Qatar pour devenir le cri de ralliement de tous les peuples affligés du monde ? 

Bien sûr, le football est partout, l’universalité de ce phénomène n’a pas attendu la participation du Maroc pour porter aux nues ce phénomène qui tient à la fois du sport, du jeu, du divertissement, de l’industrie, voire même de la mafia la plus sordide, avant de devenir une idéologie ultime. Mais toutes ces populations enchantées par les exploits d’un pays du Sud savent-elles seulement ce qu’elles applaudissent quand elles expriment leur bonheur d’aimer ces footballeurs marocains ?

Vous imaginez ? Le Maroc a fait plier le Canada, une puissance occidentale majeure, une même rigueur qui lui a permis d’étouffer l’Espagne, une nation au passé impérial bien établi, le pays qui a inventé l’Inquisition et qui continue d’occuper une partie du territoire marocain, d’étrangler le Portugal, une nation qui n’a pas inventé le football mais qui est pour beaucoup dans son succès et qui a aussi bien des choses à se reprocher après avoir envahi et colonisé quelques villes marocaines. 

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Désormais, ce jeu d’harmonie entre des joueurs venus d’horizons divers fera partie des programmes des académies des clubs les plus prestigieux, pour être admiré, étudié, critiqué, démonté, puis sera certainement finalement copié par le reste de l’humanité. 

Abreuvés de statistiques, de commentaires plus ou moins insipides, d’accusations plus ou moins fondées de matchs vendus, d’arbitres achetés (voir le match France /Maroc), nous risquons de passer à côté de l’essentiel, d’oublier en quoi consiste cette percée de l’équipe marocaine, de perdre de vue son essence, de devenir insensible à ce mystère, de perdre de vue que cette épopée vécue à la fois individuellement par chaque joueur et collectivement par chaque Marocain, avant d’être le plaisir ultime de plusieurs milliards d’êtres humains qui ont reconnu à cette équipe sa suprématie et qui se sont identifiés à ces héros d’un jour rétablissant des injustices de plusieurs années, voire de plusieurs siècles. 

On pourra gloser longtemps sur les raisons qui ont permis ce parcours sans faute, personne n’aura la réponse exacte à cette alchimie qui a permis en dépit d’une exclusion injustement imposée à quelques pas de la finale, les lions de l’Atlas ont finalement gagné la Coupe du monde, même si l’objet fétiche, prévu pour être offert aux Français a fini par tomber dans les bras de l’Argentine.

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Camus le philosophe pensait le football comme un terrain d’expérience: « Vraiment, le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités. » Avec panache, l’équipe de Walid Regragui a pratiqué un football pragmatique qui n’empêche pas le jeu d’être romantique, mais au-delà de l’aspect ludique, c’est un autre bras de fer, une autre symbolique qui a fait la joie des peuples. 

Le royaume a pris l’Occident par surprise en déballant un football joyeux, des joueurs souriants, heureux même quand le jeu devenait serré ou encore quand l’issue du match paraissait incertaine. Si la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens, le football aussi est la continuation de la guerre par d’autres moyens, c’est ce qui n’a pas échappé à tous ces millions d’individus, sortis fêter les victoires des Lions de l’Atlas.

Nous avons assisté à un véritable football rhétorique et au fond, la plus grande victoire des Lions de l’Atlas, c’est d’avoir suscité des émotions inédites, une catharsis des passions qui interroge plus particulièrement les concepts de justice et de morale entre le Nord et le Sud, entre l’Occident et l’Orient. 

Cet enthousiasme des Lions de l’Atlas, porteurs de l’idéal démocratique qu’a pu représenter le football laisseront des traces dans la société des pays du Sud, demain, surtout dans leurs rapports avec l’Europe. Les regards du monde entier ont convergé vers le royaume, fixés sur ce mélange de vision, d’intuition et d’audace, sur un triomphe du soft power en mondovision. 

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La France de Macron a magouillé pour vaincre le Maroc ? Ca ne serait pas étonnant, et de toutes les façons entre les Marocains et la France l’histoire n’a pas retenu grand-chose, que des crimes commis dans l’impunité la plus absolue.  Entre les deux pays, il y a un passé sanglant pour lequel la France ne s’est jamais excusée auprès du royaume et a encore moins proposé de réparer les massacres perpétrés au Maroc, dès 1880, date de l’occupation française. 

Cela avait commencé avec la campagne du tristement célèbre général Lyautey qui s’est terminé en 1937 après avoir coûté la vie à au moins 100 000 civils avec des dates précises, le bombardement de Casablanca, en 1907 qui a provoqué entre 1 500 et 3 000 morts après l’insurrection des tribus de la Chaouia pour s’opposer à la colonisation française. 

Dans le nord, pour écraser les troupes de Abdelkrim El Khattabi, Pétain, en véritable boucher du Rif, non content d’utiliser 32 divisions et plus de 350 000 hommes face à 5 000 Rifains, bombarde tout le monde y compris des civils, avec des bombes asphyxiantes au gaz de chlore !

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Dorénavant, il sera difficile encore de faire accepter aux Marocains une interdiction de circuler, alors que les Français (et les Européens) rentrent chez nous comme dans un moulin, parfois sans un sou en poche, de nous imposer de reprendre quelques clandestins et de laisser la pègre marseillaise ou espagnole s’installer et vivre une vie de nabab à Marrakech, de nous faire accepter que des patrons français véreux viennent exploiter les richesses du pays, en se mettant en business avec un féodal local. 

Les traîtres parmi nous qui continuent de respecter les agendas de Paris pour imposer à cette société des valeurs qui ne sont pas les siennes, comme cette mafia locale qui travaille en sous-main les intérêts de la métropole, sont en train de paniquer. 

Les magouilleurs de Macron nous ont empêchés de gagner la Coupe du monde ? Tant pis, ou plutôt tant mieux, hâtons-nous de créer une FIFA du monde arabe, après tout, c’est bien un pays musulman, le Qatar qui a réussi à faire la meilleure Coupe du monde de l’histoire du foot !

Il y aura bien un avant et un après Mondial
FADEL SENNA / AFP

Abdellatif El Azizi