Du break à Mozart, la rencontre de deux mondes sublimée par Kader Attou

 Du break à Mozart, la rencontre de deux mondes sublimée par Kader Attou

« Un break à Mozart »


 


Un orchestre classique, Mozart et des danseurs hip hop. C'est avec ces ingrédients que le chorégraphe Kader Attou (Cie Accrorap) a créé le spectacle « Un break à Mozart ». Cette œuvre qui devait être unique, donc éphémère, a de nouveau été jouée à plusieurs reprises cette année, dont une fois la semaine dernière, dans le cadre des Nuits Romanes en Poitou-Charentes.


 


Partage, mélange, rencontre, autant de choses chères à Kader Attou, directeur du Centre Chorégraphique National (CCN) de La Rochelle, mettant en avant une certaine spécificité française. Entretien.


 


LCDL : Un orchestre, le Requiem de Mozart et … dix danseurs hip hop. Comment est née l'idée d'un tel projet ?


Kader Attou : Depuis que je suis installé ici, la région, qui fait partie de mes tutelles avec la ville et l'Etat, me sollicitait à chaque fois pour faire quelque chose dans le cadre des Nuits Romanes. La Région a eu l'idée d'associer l'orchestre des Champs Elysées et le CCN. C'était l'année dernière et ça devait être un one shot. L'idée m'a plu.


Avec le chef de l'orchestre nous avons travaillé sur un répertoire, au début avec plusieurs compositeurs, puis finalement nous nous sommes arrêtés sur Mozart. Dix musiciens, dix danseurs, nous nous sommes dits que ça allait être un bel équilibre. Et ça a donné ce titre « Un break à Mozart », un break pour Mozart, un break avec Mozart. L'idée était d'avoir une écriture chorégraphique à la fois libre et qui rentre dans la partition. Avec les danseurs nous avons beaucoup travaillé la musique, la comprendre, pour y associer nos mouvements.


 


Quel est le message derrière la rencontre de la danse hip hop, urbaine et actuelle, avec un monument de l'histoire de la musique comme Mozart ?


J'ai toujours été dans le croisement des esthétiques avec mon hip hop, depuis que je danse, depuis que je chorégraphie. Il fallait absolument que j'inscrive la chorégraphie dans l’œuvre de Mozart. Coller de la danse sur n'importe quelle musique tout le monde sait le faire, ça ne m'intéresse pas.


Ce qui m'intéressait c'était vraiment d'avoir un dialogue entre musique savante et danse d'aujourd'hui. Mais également, que la chorégraphie soit ancrée dans la partition et aille aussi en dehors de la partition. Du coup, on a vraiment l'impression de voir la partition en mouvement. La danse ne colle pas tout le temps à la partition, il y a aussi des moments de liberté, c'est ce qui fait également la force de la chorégraphie. Et les gens sont assez surpris.


 


Lorsque l'on observe la composition de la troupe du CCN de La Rochelle, nous pouvons constater que toute la diversité des visages de la France d'aujourd'hui est représentée. Etait-ce une réelle volonté ?


J'aime le mélange. Je suis français. Mes parents sont algériens. J'ai grandi dans un quartier multiculturel. Je viens du mélange et ça se retrouve très normalement dans mon travail. Lorsque j'ai commencé à danser le hip hop, je me suis toujours dit : « pour comprendre qui je suis à travers ma danse, il faut que j'aille voir ailleurs ». J'ai donc eu cette volonté, voir d'autres horizons. Ça m'a permis de faire de belles rencontres, de belles créations. En France mais aussi en Inde, au Brésil, en Afrique…


J'ai toujours considéré que c'est dans la différence qu'on se construit et que l'on peut danser avec n'importe quelle esthétique. L'important c'est de créer du lien ensemble. Pour moi c'est le summum de mon travail, comment crée-t-on du lien ? C'est pour cela que travailler autour de Mozart ou d'autres compositeurs classiques connus, ça ne me fait pas peur en soi. Le plus important c'est de créer du lien avec cette œuvre. Et sur scène, de montrer le regard que l'on a sur le monde. 


 


« Un break à Mozart » a été joué à New York le 2 juillet dernier en marge d'une escale de l'Hermione aux Etats-Unis. Comment la création a-t-elle été accueillie ?


Ça a été un grand moment. Ce qu'il faut savoir c'est que comme je l'ai dit « Un break à Mozart » était un one shot au début. L'année dernière, aux Nuits Romanes, quand il a été joué, Ségolène Royale était présente ainsi que le président de Région. Ils ont adoré le spectacle et ils ont dit qu'il fallait que ce soit le spectacle qui accompagne l'Hermione outre-Atlantique.


Au départ nous devions faire toutes les escales en Amérique mais c'était compliqué en termes de calendrier. Finalement nous avons joué une seule et unique grande date à New-York, Central Park. C'était en plein air, dans ce parc mythique. Et « Un break à Mozart » a, je pense, en toute modestie, marqué les esprits des gens. Parce que nous avons une vraie spécificité française lorsque l'on parle de création artistique hip hop.


Là-bas, cette création n'existe pas. Donc, quand on présente « Un break à Mozart », une rencontre entre musique savante, orchestre live et danse hip hop, les gens sont déboussolés. Et quand je discutais avec eux à la fin, ils me disaient mais ce n'était pas du hip hop qu'ils avaient vu, et pourtant si.


 


Propos recueillis par F. Duhamel

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