Maroc/Europe. Pourquoi tant de haine ?

 Maroc/Europe. Pourquoi tant de haine ?

Le roi du Maroc, Mohammed VI. Carlos Alvarez / GETTY IMAGES EUROPE / AFP

Dans l’histoire d’une nation, il est des évènements qui traduisent à eux seuls la psychologie d’un pays. Ces scènes de liesse, ces images des Lions de l’Atlas, ces chansons, montrant les joueurs de l’équipe nationale dansant avec leurs mamans, le sens de tous ces messages, bien plus politiques qu’il n’y paraît, peut se résumer ainsi : « Soyez fiers d’être Marocains. » Et il est vrai que cette fierté, omniprésente, dérange aujourd’hui au plus haut point. 

Au point de pousser une grande partie de l’Occident à voir dans le royaume une résurgence de l’esprit arabe d’une Reconquista qui se profilerait à l’horizon. Sinon comment expliquer que des eurodéputés se focalisent sur le seul pays du sud de l’Europe qui n’a pas à rougir en matière de droits de l’homme pour justement lui reprocher des manquements en la matière !?!

Sinon comment expliquer que le voisin algérien dont on sait qui tire les ficelles, soit si enragé ces derniers temps que les actes de non voisinage qu’il commet inciterait à la bonne rigolade s’ils n’étaient graves ? Des journalistes incarcérés au Maroc ? Oui, il y en a et nous sommes tous, en tant que journalistes, les premiers à souhaiter les voir en dehors des barreaux et au-delà de tout esprit de corporation.

Pour réinventer les relations entre Bruxelles et Paris d’une part et le royaume d’autre part, la condescendance doit être bannie une fois pour toutes, sinon de quel droit l’Union européenne s’inspire pour dicter au royaume quelles seront ses lois en matière de droits de l’homme. Une relation solide peut tout à fait supporter quelques divergences d’opinion, du moment que les deux partenaires les abordent avec sérieux et transparence, mais vouloir imposer au Maroc une vision unilatérale des droits de l’homme, c’est se tromper d’époque.

Le Maroc considère aujourd’hui – sans doute à juste titre – que l’Europe a trop besoin de lui pour lui reprocher sérieusement de se positionner dans la polarisation mondiale structurelle, et si ce pays a choisi de prendre le TGV sur le plan géopolitique, plus rien ni personne ne peut plus l’arrêter fusse le dépit des anciens colons de voir un pays arabe diversifier ses partenaires en plus de son rayonnement africain.

Une métropole aigrie de constater que le royaume n’hésite plus à normaliser ses relations avec Israël, un pays qui n’a aucun scrupule à recevoir les Russes avec tous les honneurs dus et qui négocie sans rougir avec les Américains et les Chinois une place auprès des grandes nations. Un royaume qui a fait son entrée en Afrique, sans coloniser aucun pays, sans commettre de massacres, mais en nouant des relations saines où le Maroc apporte plus qu’il ne reçoit, dixit les populations locales.

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Ce pays est bien parti pour devenir le principal hub énergétique de l’Europe, à y acheminer l’énergie verte produite dans le sud du pays en attendant l’exploitation des réserves maritimes de gaz naturel découvertes en grande quantité. Bref, dans le nouveau roman du monde, le royaume a désormais sa place.

Pourquoi alors attendre d’Emmanuel Macron qu’il pacifie les relations de l’Hexagone avec le royaume alors qu’il mène son propre pays à la catastrophe ? Dévorant avec appétit le pouvoir présidentiel, tel Néron, à travers toutes ses décisions, de la réforme des retraites à la loi sur l’immigration en passant par l’alignement aveugle de la France sur les Américains dans la crise Russie/Ukraine, Macron, à lui seul, amplifie partout en France, cette inclinaison à une vision binaire, voire haineuse des rapports en individus et par conséquent entre sociétés.

Certains se posent la question de savoir pourquoi la presse française ne rend-elle pas compte de ces contradictions flagrantes, se contentant de relayer les thèses distillées par « l’Etat profond » à propos du Maroc avec cette délectation morbide concernant les droits de l’homme et le Sahara ? Pour une raison très simple, c’est que justement le sieur Macron a mis en place une sorte de courtisanerie médiatique qui exclut d’office tout écart en la matière.

Pour être dans les cartons et bénéficier de ce rendez-vous présidentiel « en off » organisé régulièrement par l’Élysée, les journalistes invités doivent constamment marquer leur allégeance pour faire partie de la cour. D’où l’absence d’aspérité (à de rares exceptions près) et l’interdiction d’un autre son de cloche que celui de la présidence dans la couverture des évènements.

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Cerise sur le gâteau, Emmanuel Macron affiche ostentatoirement sa volonté de marquer sa présidence dans l’histoire de la France comme étant celui qui a choisi l’Algérie contre le Maroc tout en insultant la mémoire des Algériens, à qui, pourtant, il refuse la reconnaissance des crimes de la colonisation !

Vérité du jour n’est pas celle du lendemain, la France en premier lieu, doit comprendre deux choses essentielles : ce gouffre abyssal entre la population marocaine et ses élites francophones et qui faisait les affaires de ce lobby, voire de la mafia francophone qui a infiltré la haute administration du royaume est en train de se réduire en peau de chagrin.

Autre défi majeur, depuis que le roi a choisi de se mettre du côté du peuple, une connexion dont la réalité profonde est due au fait que Mohammed VI est plutôt l’héritier de Mohammed V que celui de Hassan II, le palais et la rue parlent désormais le même langage. Et la seconde chose que devrait craindre la France, c’est que le Maroc, aujourd’hui est prêt à se passer de l’Hexagone, surtout depuis ce moment où ce pays a élu un homme censé mettre fin à une culture d’affrontement, qui s’est révélé être le premier pyromane de l’histoire de France.

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Comme on ne peut pas lui reprocher de vouloir bénéficier de la conjoncture internationale présente où l’Europe semble avoir perdu toute la splendeur des lustres passés d’autant plus que dans le vieux continent, les pays minés par le populisme nationaliste de leurs dirigeants sont devenus la règle et non plus l’exception.

A terme, le Maroc qui a fait de l’unité du royaume avec la consécration de sa présence sur tout son territoire, y compris dans son Sahara, une condition sine qua non de son hard power comme de son soft power. Logiquement, plus le Maroc est en train de devenir  « à la mode », plus ce passage sous les feux de la rampe  lui vaudra d’ennemis.

Le royaume doit-il craindre outre-mesure ces attaques récurrentes venues des amis d’hier (la France en premier), bien sûr que non. Si Voltaire criait « mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge ! », nous autres, au Maroc, on préfère la citation de Corneille « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ».

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Abdellatif El Azizi