Naïssam Jalal, le souffle de la liberté

 Naïssam Jalal, le souffle de la liberté

Crédit photo : Emmanuel Rojas


Cette flûtiste d’origine syrienne rend hommage au combat de son peuple avec son deuxième album, “Almot Wala Almazala”. Une superbe suite d’inspiration jazzy, entre révolte et recueillement. Elle est en concert le dimanche 10 Juin à l'Institut du Monde Arabe.


Naïssam Jalal s’indigne. “Les idées fascistes sont devenues banales. Cette paresse intellectuelle grandissante m’attriste. Les gens ­acceptent d’être malheureux plutôt que de vivre, d’être ­curieux. Or, on sait que le malheur entraîne la haine”, soupire-t-elle. C’est ce souffle de révolte qui la conduit, en 2011, à baptiser son quintet Rhythms of Resistance dans lequel violoncelle, contrebasse, saxophone et percussions font écho à sa flûte. Résister pour un monde plus juste et une musique libre, sans formatage, qui explore et se nourrit de nombreuses influences : musiques arabes, mandingues, indiennes, hip-hop, funk, jazz modal…


 


Questionnement identitaire


Elevée en banlieue parisienne, à Torcy (77), la jeune femme vit aujour­d’hui à Saint-Denis (93). Elle se sent chez elle dans cette mixité, “ce fouillis musical et linguistique. Et les gens se disent bonjour”. A l’âge de 6 ans, elle étudie la flûte traversière, “le prolongement de (son) corps”, au conservatoire, poussée par ses parents, des peintres syriens. “Ils m’ont toujours encouragée, même quand je jouais dans des bars, payée en verres de bière.” Elle découvre l’improvisation à 17 ans, une révélation, se passionne pour le jazz mystique américain des années 1970, celui de John Coltrane, de Pharoah Sanders. “Ces musiciens s’interrogeaient sur l’ailleurs et sur les racines africaines de leurs musiques.”


La quête de ses propres racines, elle l’entreprend à 19 ans, en partant à Damas pour étudier le nay, une flûte orientale. “Je voulais savoir d’où j’étais, qui j’étais. En France, on me reprochait cette identité arabe, chargée de sens péjoratifs. Alors que c’est une langue, une civilisation, une culture millénaire, magnifique… Comment expliquer ce mépris ?” Usée par l’état policier syrien, elle s’installe ­ensuite au Caire, en Egypte, et prolonge ce questionnement identitaire. Elle y développe sa recherche sur le discours de la musique arabe classique. “Une expérience à la fois riche et douloureuse”, pas facile dans un pays conservateur d’être une femme musicienne seule.


 


Un hommage nécessaire


De retour en France, l’artiste se partage entre Paris et ­Beyrouth pendant six ans, se rend en Palestine, en ­Tunisie, au Maroc… “J’ai la chance d’avoir une vision assez globale du monde arabe”, reconnaît-elle. Elle multiplie les collaborations avec de grands artistes, de tous horizons : Cheikh Tidiane Seck, Fatoumata Diawara, Amazigh Kateb, Aziz Sahmaoui…


Sorti en 2016, son deuxième album est dédié au peuple syrien, à son combat pour la liberté. Le titre reprend le slogan scandé par les Syriens dans la rue en 2011 : Almot Wala Almazala (la mort plutôt que l’humiliation). “Vu l’ampleur des dégâts en Syrie, et l’indifférence des gens ici, cet hommage était nécessaire. A quatre heures d’avion de chez nous, un peuple est en train de mourir pour des valeurs qui sont les nôtres. Ils se sont levés pour la liberté, la dignité, la démocratie… Est-ce qu’on est solidaires ?” 



ALMOT WALA ALMAZALA, Naïssam Jalal and Rhythms of Resistance, Les Couleurs du Son, L’Autre Distribution (novembre 2016), 15 €.

La rédaction du Courrier de l'Atlas