« Paris est une fête » et sa Lumière ne s’éteindra pas

 « Paris est une fête » et sa Lumière ne s’éteindra pas

Publié à titre posthume en 1964, « Paris est une fête » d’Ernest Hemingway est une ode à la Ville Lumière. Ce récit autofictif, qui repose sur l’expérience parisienne de l’auteur américain de 1921 à 1926, est une pérégrination dans les quartiers mythiques de la capitale, une déclaration d’amour à l’art de vivre français et une plongée dans l’effervescence culturelle qui a toujours caractérisé ce centre artistique, littéraire, intellectuel, qui brille depuis des siècles et des siècles. Capitale de la culture, Paris a hébergé et inspiré les plus grands noms de la littérature, qui, à leur tour, lui ont rendu les hommages qu’elle mérite. Aujourd’hui, si la crise sanitaire fait trembler le secteur culturel, elle n’aura jamais raison de la veine artistique qui fait battre le coeur de Paris. 

C’est au dernier étage de l’hôtel où est mort Verlaine qu’Ernest Hemingway, sa femme Hadley et son bébé Bumby s’installent, au 74 rue du Cardinal-Lemoine, dans le quartier latin, « certes, des plus misérables » à l’époque. Dans cet « appartement de deux pièces, sans eau chaude courante, ni toilettes », mais « gai et riant, avec une belle vue », Hemingway et sa famille vivent d’amour et d’eau fraîche. Le jeune homme de 25 ans ambitionne alors de devenir écrivain, et il fera, dans la « ville la mieux faite pour permettre à un écrivain d’écrire », ses premiers pas en littérature. 

Déambulation dans les lieux légendaires de Paris

Ce n’est sans surprise que l’action du livre se déroule dans les 5ème et 6ème arrondissements de Paris, milieu littéraire par excellence. Sous la plume d’Hemingway le lecteur est transporté de la « merveilleuse rue commerçante » Mouffetard aux « excellents coins pour la pêche » de la Seine, où « le cadre était digne d’un conte de Maupassant » et au bord de laquelle il « ne pouvai[t] jamais [s]e sentir seul », en passant par le boulevard Saint-Germain, le boulevard Saint-Michel, la place de la Contrescarpe, le jardin du Luxembourg, le Panthéon, Notre-Dame-des-Champs (où il emménagera plus tard)… « Si vous avez de la chance d’avoir vécu jeune homme à Paris, où que vous alliez pour le reste de votre vie, cela ne vous quitte pas, car Paris est une fête ».

Hemingway mentionne également dans ses fragments de vie l’île Saint-Louis avec ses « vieilles maisons hautes et majestueuses », l’île de la Cité, Notre-Dame, le Pont-Neuf et la statue d’Henry IV, les Tuileries, l’arc du Carrousel, le musée du Louvre, la Concorde, le Rhône, le Parc des Princes, Montrouge, les parcs et ses beaux marronniers, qui faisaient qu’il y avait « tant d’arbres dans la ville »… Mais « notre fleuve et notre ville, et l’île de notre ville […] il était impossible de le concentrer tout entier en un seul volume ».

L’art de vivre français, avec ses bouquins, ses brasseries, et ses rencontres

Pour s’approvisionner en lectures, « Hem » empruntait des livres dans la très prisée librairie Shakespeare and Company à Odéon de Sylvia Beach, qui étalait « sur des étagères et des étagères, toutes les richesses de sa bibliothèque ». L’apprenti écrivain se rendait également sur les quais de Seine où les bouquinistes vendaient les ouvrages à des prix dérisoires. Le quartier latin reste aujourd’hui le quartier des libraires et les quais de Seine comptent 217 bouquinistes.

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Lorsqu’il ne travaillait pas chez lui, le jeune Hemingway se rendait à La Closerie des Lilas, l’un des meilleurs cafés de Paris selon lui. Il en fera son QG, tant pour travailler que pour se divertir. Situé boulevard Montparnasse, La Closerie des Lilas était l’une des brasseries d’artistes les plus prisées, avec Le Dôme, La Rotonde, Le Select, et La Coupole, surtout dans la première moitié du XIXème siècle. Après la Seconde Guerre mondiale, Montparnasse cédera la place à Saint-Germain-des-Prés, qui deviendra le foyer littéraire le plus célèbre, à travers notamment le « Café de Flore », seconde maison de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, ou encore les Deux Magots, où se rencontraient Paul Verlaine, Arthur Rimbaud ou encore Stéphane Mallarmé.

La Closerie des Lilas, elle, a été peuplée de noms tels qu’Émile Zola, Théophile Gautier, Charles Baudelaire, Oscar Wilde, Samuel Beckett, Picasso, Paul Eluard, ou encore André Gide. Et c’est à la terrasse de ce café que F. Scott Fitzgerald a fait lire le manuscrit de Gatsby le Magnifique à Hemingway. « Paris est une fête » relate aussi et surtout la « génération perdue » qui s’est retrouvée dans la Ville Lumière. Ernest Hemingway y fait la rencontre de Fitzgerald, Gertrude Stein, Ezra Pound, Ernest Walsh, T.S Eliot… Tous mouvants dans une capitale artistique et intellectuelle bouillonnante. « Tel était le Paris de notre jeunesse, au temps où nous étions très pauvres et très heureux »… Ce Paris « qui nous était si familier, que nous aimions, où nous travaillions, et qui m’a toujours paru si différent de tout ce que j’aie jamais pu lire sur le sujet ».

Paris, la muse

Paris a été une source d’inspiration pour pléthore d’artistes, français et étrangers, qui ont diffusé et célébré son image dans les quatre coins de la planète. Littérature, peinture, musique, cinéma… Paris a de tout temps constitué le cadre créateur pour d’indénombrables oeuvres d’art. « Il n’y a jamais de fin à Paris et le souvenir qu’en gardent tous ceux qui y ont vécu diffère d’une personne à l’autre. Nous y sommes toujours revenus, et peu importait qui nous étions, chaque fois, ni comment il avait changé, ni avec quelles difficultés – ou quelle facilité – nous pouvions nous y rendre. Paris valait toujours le déplacement, et on recevait toujours quelque chose en retour de ce qu’on lui donnait. » 

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Malika El Kettani