Tunisie. Un déficit abyssal de communication politique

 Tunisie. Un déficit abyssal de communication politique

La déclaration conjointe du chef de gouvernement Ahmed Hachani avec son homologue le Premier ministre français, Gabriel Attal, en marge d’une visite de travail à Paris, restera dans les annales, hélas pour l’image de la Tunisie, comme un cas d’école de toutes les maladresses à éviter dans ce type d’évènement en matière de communication politique et institutionnelle.  

Hachani, certes novice intégral propulsé par le président Kais Saïed à la tête d’un gouvernement, découvre la vie politique et la diplomatie, deux champs qui lui sont totalement étrangers, lui qui n’a à son actif professionnel que les années passées au poste technique de directeur des ressources humaines de la Banque centrale de Tunisie. Mais on se disait que l’homme, de mère française, visiblement mal à l’aise lors des rares occasions où il s’est jusqu’ici publiquement exprimé en langue arabe, serait sans doute davantage dans son élément en pareil rendez-vous francophone.

 

De béantes lacunes

Il n’en est rien. L’effarement de certains commentateurs tunisiens face à cette piètre performance n’avait d’égal que l’ennui manifeste discrètement affiché par le jeune Gabriel Attal. On y découvre ainsi un Ahmed Hachani tenant des propos décousus, sans axe ni contenu cohérent, tenus en vrac sur son « amitié » prétendue avec Attal, s’attardant péniblement sur les saboteurs présumés de l’amitié tuniso-française et surtout sur le complot ourdi par une émission TV, en réalité somme toute banale (Enquête exclusive diffusé le 3 mars par M6, ci-dessous) titrée « Tunisie : entre misère et dictature, le grand retour en arrière ». Un hors sujet doublé d’une incongruité de registre et de bon sens, Matignon n’ayant naturellement aucun levier pour faire interdire un reportage d’une chaîne appartenant de surcroît au secteur privé dans le monde libre.

 

Pas un mot sur l’épineuse question de la difficulté d’obtention des visas pour les Tunisiens, ni sur la brûlante question migratoire, les investissements français en berne ou encore la rapatriement des biens spoliés…

L’allocution de Hachani était d’autant plus fastidieuse qu’elle contrastait avec la virtuosité de la machine à communiquer qu’est le fraîchement nommé Attal (34 ans), ex-porte-parole du gouvernement français, un pur produit de la Macronie où les moindres propos sont millimétrés et où tout n’est qu’art de la com’. Réagissant à sa propre impréparation, le responsable tunisien admet dans son discours qu’il n’a pas préparé de notes, « par préférence personnelle ». Une précision dont il se serait bien passé étant donné les nombreux blancs qui ponctuaient son élocution bancale, signe pour certains spécialistes de « Brouillard cérébral » (brain fog) précoce à son âge.

Le supplice se termine sur une note tout aussi inadéquate : la promesse de « continuer les échanges sur WhatsApp », une façon grossière de clôturer une tirade qui se devait être solennelle par une tournure digne des familiarités du langage de rue. De quoi regretter à ce poste l’éphémère Najla Bouden, pourtant loin d’être une oratrice hors-pair, quoique c’est depuis son mandat que l’ensemble de l’équipe gouvernementale s’est murée dans un silence médiatique voulu, un blackout qui n’arrange en rien les capacités communicationnelles des hauts responsables du pays, mises à nu en pareilles circonstances.

Seif Soudani