Contre les clichés, le rire

 Contre les clichés, le rire

Presse – Lena Villa Photo- Kytao French Cut


Ils en ont assez des préjugés racistes, sexistes ou homophobes. Et ils ont choisi l’humour pour en venir à bout. 


En a-t-on fini avec les clichés qui associent Chinois et “bol de riz”, comme Michel Leeb il y a trente ans ? Pas vraiment. Gad ­Elmaleh et Kev Adams s’y noient dans leur spectacle, Tout est possible, diffusé en novembre dernier sur M6. La télévision reste d’ailleurs grande pourvoyeuse de préjugés. Dans On n’est pas ­couché, sur France 2, la chroniqueuse Vanessa Burggraf a associé “autisme” et “connerie”, à propos du film Monsieur & Madame Adelman, réalisé par Nicolas Bedos et évoquant la maladie. ­Lassé “d’être assimilés à des abrutis”, l’écrivain Hugo Horiot, lui-même victime du syndrome d’Asperger dans son enfance, lui a répondu dans une vidéo que “la souffrance des autistes ne vient pas de ­l’autisme mais des préjugés”. En réaction aux clichés, d’autres ­préfèrent l’humour. Alors, efficace ?


 


ASIATIQUES : TOUS DIFFÉRENTS !



Douces et soumises à l’emprise masculine, voilà comment les femmes asiatiques sont dépeintes dans l’imaginaire occidental. Lasse d’entendre les clichés racistes et sexistes, la blogueuse d’origine sino-cambodgienne Grace Ly a lancé, avec Irène Nam, la web-série Ça reste entre nous, dans laquelle quatre femmes franco-asiatiques évoquent leur place dans la société. L’une d’entre elles, la scénariste Boulomsouk Svadphaiphane raconte que le producteur de la série Dos au mur, sur NRJ 12, lui a un jour proposé “une scène où le père (avocat) entre dans une pièce et parle chinois à son fils.” “Hors de question !” lui a-t-elle répondu. Et d’expliquer : “Pour faciliter la compréhension, on véhicule les clichés. Dans mon travail d’écriture, je cherche à les déconstruire. La représentation passe par l’image. Il faut donc mettre plus de diversité et moins de caricature à l’écran pour faire bouger les mentalités.”


Ça reste entre nous, lapetitebanane.com


 


ET HITLER, IL ÉTAIT MUSULMAN ?


Un groupe de managers noirs traitent avec condescendance un homme de ménage blanc : “Je les confonds toujours. (…) Ils se ressemblent tous !” Un homme, qui a pris un congé paternité, se plaint de sa rémunération, car sa collègue gagne plus que lui : “Vous pouvez toujours essayer de postuler ailleurs.” “Le catholicisme est-il compatible avec la République ?” Un débat télévisé, sur la chaîne info FMB-TV, évoque les chrétiens, “des gens violents" qui “ne peuvent pas s’intégrer au système républicain”.Dans une vidéo percutante, intitulée 180, l’humoriste Yassine Belattar use d’un procédé classique, mais efficace, pour inverser les rôles et tourner en dérision les clichés. Au final, les situations choquent et dénoncent l’injustice subie par les groupes discriminés.


180, de Yassine Belattar, à voir sur YouTube.


 


DE MÉCHANTS PETITS CHATONS



Après avoir fustigé “l’homophobie bienveillante” dans la Lesbienne invisible, Océane Rosemarie dézingue le “racisme bienveillant” dans Chatons violents. Et les BBB – “bons Blancs bobos” – se font allumer, notamment quand ils partent s’installer à Montreuil “pour la mixité sociale”, alors que c’est surtout le prix de l’immobilier qui les motive. “Le racisme est catalogué de droite, analyse la comédienne. Mais dans mon milieu, il existe un système de domination plus subtil. On ne traite personne de ‘sale noir’. En revanche, on adore Fatima, la femme de ménage, dès lors qu’elle reste à sa place.” Puisqu’on parle toujours des Noirs ou des Jaunes, mais jamais des Blancs, elle évoque la “blanchité” et les privilèges qui en découlent. “Mon spectacle est acide mais tendre, argumente-t-elle. Je cherche surtout à faire réfléchir. Et je ne m’exclus pas du groupe dont je parle.”


 


AU TOP CONTRE LE SEXISME



“Une femme ne peut pas se réaliser sans enfant, démarre Blandine Métayer. Elle est séductrice ou mère, c’est tout !” Parce qu’elle en a assez des préjugés, la comédienne, ancienne du Petit Théâtre de Bouvard et de La Classe, a crée Je suis top !, un one woman show sans concessions sur les stéréotypes à l’égard des femmes devenu depuis une BD : Je suis top ! Liberté, égalité, parité (éd. Delcourt). En proie au machisme ordinaire, son personnage, Catherine, qui a réussi ses études, mène de front vie professionnelle et familiale, raconte ses déboires. “La comédie est un moyen extraordinaire pour libérer la parole de manière apaisée”, explique la comédienne. Je suis top ! lui a aussi inspiré l’écriture du livre les Perles du sexisme (Fortuna Editions).


Les Perles du sexisme, Blandine Métayer, Fortuna Editions.


 


COMIQUE VOILÉE ET DÉBRIDÉE



Femme de couleurs, le spectacle de Samia Orosemane (photo), s’attaque à tous les clichés : communautarisme, foi, voile… “J’essaie de les bousculer car je trouve aberrant qu’on catégorise les gens, lance-t-elle. On imagine les femmes voilées soumises et opprimées. C’est faux ! Je préfère évoquer le diktat général imposé aux femmes, pas toujours libres de choisir.” Au travers de propos sarcastiques, l’humoriste œuvre contre les préjugés. Et son spectacle ne désemplit pas. “La cible est bien plus large qu’au début, constate-t-elle. Dans mes salles, il y a tous les profils possibles. Cette forme a plus d’impact que tous les discours politiques. Faire rire dédramatise.” Celle qui rêvait d’être noire imite l’accent camerounais à merveille, au point qu’à Douala, elle a fait un tabac. “On peut rire de tout le monde, mais avec bienveillance et respect. En premier, je me moque de moi et de ma communauté.”


 


TOUS LES ARABES NE SONT PAS MUSULMANS…



… et tous les plombiers ne sont pas polonais ! Dans un immeuble du Plat Pays, des voisins de toutes origines se croisent dans le hall. Babelgium, une série de 20 pastilles diffusée par la télé belge, aborde avec drôlerie les habitudes culturelles, la famille, le couple, le travail, la religion… Avec Stéphane De Groodt, hilarant, dans le rôle du “Belge d’origine belge”.


Babelgium


 


La suite du dossier :


Autopsie du racisme ordinaire


Extension du domaine de l’insulte


Au cœur de la fachosphère


Antiracisme : Les nouveaux visages de la lutte


La haine de l’autre, ça se déconstruit

Yves Deloison