Livre. « Parcours de juifs antisionistes en France », pour offrir un autre point de vue

 Livre. « Parcours de juifs antisionistes en France », pour offrir un autre point de vue

Un débat autour du livre « Parcours de juifs antisionistes en France », avec Emmeline Fagot et Jean-Guy Greilsamer, sera ouvert au public mardi 8 novembre 2022, à 19h, à la librairie La Brèche (27 rue Taine, Paris 12è).

Un livre qui ne ressemble pas aux autres. « Parcours de juifs antisionistes en France » qui vient de paraître aux éditions Syllepse est un ovni. Il donne la parole à 22 personnalités juives qui se déclarent être antisionistes. Tour à tour, elles expliquent pourquoi ce choix, donnant leur définition de l’antisionisme, l’opposition au projet colonial d’Israël.

 

Tous rejettent en bloc l’accusation d’antisémitisme parfois employée pour les discréditer : aucun d’entre eux ne souhaitent la destruction d’Israël. Tous ceux qui témoignent sont membres de l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix) une association créée aux lendemains des Accords d’Oslo, en 1994, avec pour but de donner « une autre parole juive ». Deux des protagonistes, Emmeline Fagot et Jean-Guy Greilsamer seront présents ce mardi 8 novembre à 19h à la librairie La Brèche (27 rue Taine, Paris 12è) pour débattre autour du livre. 

Il y a trois gros chapitres dans cet ouvrage. La parole est d’abord donnée à ceux « qui n’ont jamais été vraiment sionistes ». C’est le cas d’Emmeline Fagot, qui pendant longtemps a regardé la question israélo-palestinienne de loin, n’ayant pas de proches vivant en Israël.

La judéité a toujours été un élément important de son identité. La famille de sa grande-mère a été exterminée pendant la Shoah, mais ce qui a permis à Emmeline de ne pas rester « focalisée sur l’unique souffrance juive », c’est le regard qu’a su porter sa mère sur ce génocide : « un regard universaliste ». Pour sa mère, tout racisme était un mal à combattre ardemment. Grâce à sa mère donc, Emmeline développe une indignation viscérale pour toute forme d’injustice. 

C’est à 25 ans lors d’une manifestation à Paris qu’elle rencontre pour la première fois des juifs solidaires avec le peuple palestinien. Marquée et touchée par leur discours, elle se documente en avalant de nombreux ouvrages. Puis vient « Plomb durci » en 2008, une opération militaire à Gaza où 1 300 Palestiniens trouvent la mort. C’est surtout lors de ses deux voyages en Palestine qu’Emmeline découvre l’horreur de l’Occupation israélienne. Depuis, elle se bat pour le droit des Palestiniens. 

Dans le deuxième chapitre, on lit les parcours de ces juifs qui ont ouvert les yeux en allant en Israël. Simon Assoun en fait partie. Il a baigné dans l’amour d’Israël, un pays où être « juif ne pouvait pas poser question ». Israël, le pays où des « gens comme nous, qui avaient la même religion que nous ». Une partie de sa famille vivait là bas, et il allait régulièrement en vacances en Israël. 

Son attachement à l’État d’Israël était tellement fort qu’il en devint politique. Jusqu’à ses 16 ans où le mythe s’effrite un peu. Alors que Simon Assoun consacre tout l’été à faire du volontariat au sein de l’armée israélienne, il entend des membres de son groupe crier des « sales arabes », « rentrez chez vous ». « C’est au cours de cette expérience que survinrent les premiers points de rupture dans mon adhésion enthousiaste au récit sioniste », écrit Simon Assoun. 

Un premier déplacement politique chez ce jeune adolescent, mais Simon Assoun continue malgré tout de soutenir Israël, se refusant encore à reconnaître la lutte légitime des Palestiniens. Au lycée, puis à l’université, il s’intéresse de plus en plus aux « questions sociales, politiques, historiques, philosophiques ».

Son positionnement politique de plus en plus à gauche le fait rencontrer naturellement l’Autre. C’est à ses côtés, aux côtés du Palestinien, qu’il découvre alors, comme il le dit, sa propre arabité. Aujourd’hui, il affirme qu’il est antisioniste au nom de l’histoire des juifs et par fidélité à la tradition juive « qui nous enjoint d’être juste ». D’ailleurs, depuis qu’il est devenu antisioniste, il ne s’est jamais autant senti Juif.  

Le troisième et dernier volet est consacré à ceux qui ont eu besoin d’un long cheminement pour s’affirmer « antisioniste ». Pierre Abécassis avait 15 ans en 1967 quand éclata la guerre des six jours. Pour lui et tant d’autres juifs français, ce nouveau conflit fait craindre à un nouveau génocide. Ce ne sont plus les Allemands qui veulent anéantir les juifs mais des millions d’arabes antisémites.

Pierre Abécassis se renseigne, même si malgré son jeune âge, il peut rejoindre Israël pour prêter main forte à ses « frères juifs ». A l’époque, Israël est pour lui, un refuge, un pays où les Juifs peuvent échapper à ceux qui leur veulent du mal. Quand Israël gagne la guerre des six jours, Pierre Abécassis est heureux et fier. En 1971, il passe deux mois en Israël avec un objectif clair : s’y installer. 

Sur place, il découvre à son plus grand désarroi une société militarisée, où le qidam se balade en uniforme armé. De retour en France, il n’est plus certain de vouloir s’exiler en Israël. Début des années 70, Pierre Abécassis se rapproche de groupes gauchistes parce qu’ils « veulent changer le monde » et de Hazak, composé de jeunes juives et juifs laïcs parce qu’ils « partagent la même identité que lui ».  

Comment concilier ces deux engagements ?, se demande alors Pierre Abécassis qui se définit alors comme un sioniste de gauche. Quelques années plus tard, il trouve la solution. Il écrit : « Il suffisait de faire du sionisme non pas la création d’un État juif en Palestine, mais un mouvement d’émancipation nationale, un droit inaliénable auquel les Juifs devaient accéder, comme tous les peuples ».  

Il résume alors pourquoi il a fini par cesser d’être sioniste. Il a compris que « la Palestine n’était pas une terre sans peuple », qu’un « peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre », et qu’il ne peut accepter que les « crimes d’Israël soient commis en mon nom ». 

« Parcours de juifs antisionistes en France » est un livre important parce qu’on associe trop souvent les juifs à la défense d’Israël. Il permet d’apporter un autre point de vue et de réaliser (si on n’était pas au courant) que certains ont choisi le camp de la justice et ne définissent pas leurs choix en fonction de leur origine ethnique mais en fonction de leurs valeurs. Les personnes interviewées disent toutes que c’est parce qu’elles sont juives qu’elles dénoncent avec vigueur l’Occupation et la Colonisation de la Palestine par Israël. Ce sont des Justes. 

 

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Nadir Dendoune