#MeToo. Les hommes aussi dénoncent

 #MeToo. Les hommes aussi dénoncent

La présidente de la principale confédération syndicale danoise, Lizette Risgaard, s’adresse aux médias devant le siège de l’organisation à Islands Brygge à Copenhague, Danemark, vendredi 28 avril 2023. Plusieurs hommes se sont manifestés pour accuser Lizette Risgaard de s’être comportée de manière inappropriée dans plusieurs situations. Emil Nicolai Helms / Ritzau Scanpix / Ritzau Scanpix via AFP

L’affaire est trop rare pour qu’on n’en parle pas. Une femme, Lizette Risgaard, trônant à la tête de la principale confédération syndicale danoise, qui démissionne à la suite d’accusations de harcèlement sexuel de la part d’une dizaine d’hommes, nous change ainsi des accusations, largement médiatisées de la vague du mouvement #MeToo qui a libéré la parole féminine (et c’est tant mieux), mais qui a aussi connu ses dérapages non contrôlés.

On ne reviendra pas sur l’histoire de ces neuf hommes qui se sont plaints dans les colonnes du quotidien conservateur Berlingske Tidende et du tabloïd Ekstra Bladet d’« attouchements non désirés » et de « comportement inapproprié » de la part de cette femme qui a été « lâchement » lâchée par une partie des syndicats de son organisation qui compte plus de 1,3 million de membres, soit près de la moitié des salariés du royaume scandinave.

Elle a précisé qu’elle était « profondément touchée et désolée » par l’ampleur de cette affaire et qu’elle a présenté « des excuses sans réserves aux victimes qui se sont senties offensées », reconnaissant « quelques gestes inappropriés lors de fêtes et soirées sociales », entre 2017 et 2021.

« Il est vrai, par exemple, que j’ai gardé mes mains sur leur dos pendant trop longtemps lorsque je les ai serrés dans mes bras, que je leur ai mis la main aux fesses plusieurs fois et que j’ai dansé trop collé-serré, d’une manière inconvenante, ceux qui me connaissent savent que je suis une personne simple, qui aime parler à tout le monde, qui fait aussi souvent des câlins », avoue-t-elle sur son compte Facebook.

Voilà où on apprend que ce qui est « désagréable » voire « inacceptable » de la part d’un homme envers une femme, peut l’être aussi pour un homme qui n’est pas toujours (en tout cas, pas forcément un prédateur sexuel), qui ne pense qu’à ça ! Si on ne peut remettre en question la libération de la parole de la majorité des femmes victimes d’exactions verbales ou physiques, on ne va pas s’empêcher de critiquer les dérives du mouvement #MeToo.

Des décennies de luttes féministes contre les violences sexuelles n’ont pas abouti sur un véritable bond en avant dans les mentalités, c’est vrai. La libération de la parole des femmes a conduit le monde occidental a faire sien un bouleversement des conduites masculines mais cette prise de conscience reste limitée géographiquement.

Cependant, le mouvement #MeToo et ses dérives telles que #BalanceTonPorc, se sont vite transformés en dénonciation des hommes qui a conduit dans la plupart des cas à une justice expéditive. La plupart des magistrats, échaudés par l’accusation de machisme, se comportent comme s’il fallait croire toute parole féminine sans égard pour la présomption d’innocence. Où est l’enquête judiciaire ? où est le débat contradictoire qui donne à chacun le droit de se défendre devant une justice impartiale ?

Dans le même temps, pour éreinter l’homme, cet ennemi juré, attaqué de toutes parts par les figures du féminisme universaliste sous couvert de lutte contre le harcèlement sexuel, constituant ainsi un redoutable système inquisitorial cohérent, mécanique dont on n’a pas forcément conscience lorsqu’on jette en pâture un homme sur la base de soupçons de comportement inadéquat par des femmes convaincues d’avoir été offensées ou bien carrément pour des accusations sans fondement qui relèvent plutôt de la vengeance.

La montée en puissance de la culture de l’offense, de la victimisation féminine militante, qui font de chacune l’offensée potentielle d’un homme, une parole prise au pied de la lettre, par les juges et avant eux, les réseaux sociaux dans une hystérie sans limite dans un vaste tribunal inquisitoire à ciel ouvert. Contrairement aux femmes, les hommes ont quelques appréhensions à se déclarer victimes de harcèlement ou de violences féminines.

Pourtant, les cas sont nombreux de ces hommes qui se reconnaîtront ici, dont le dossier judiciaire a débouché sur un non-lieu en raison de la vacuité des accusations. Malheureusement, ils sont aussi nombreux à avoir pâti de l’accusation, voire avoir perdu leur emploi après que leur nom soit apparu dans les médias et je ne parle pas ici, des vedettes connues qui ont les moyens de se défendre.

C’est le cas de ce directeur de PME qui a tout perdu (son emploi, son couple) depuis que sa secrétaire particulière s’est mis dans la tête de se venger de lui après les multiples fins de non-recevoir qu’elle a essuyées de sa part. Même les hommes qui ont gagné leur procès et obtenu des dommages et intérêts (comme ce journaliste connu) contre une femme qui l’accusait de l’avoir violée.

On ne va pas se voiler la face, le parfaite accointance des hommes avec l’idéologie dominante au sein des sociétés restreint le champ de la liberté de mouvement des femmes. L’hégémonie du mâle a pourtant été contestée par beaucoup d’hommes, des personnalités politiques, historiens, philosophes, juristes, insoupçonnables de complaisance envers le patriarcat, rappelant avec Saint-Just qu’il n’y avait pas « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », mais aujourd’hui, n’est-ce pas au nom de la liberté des femmes que s’effectue la chasse à l’homme ?

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Abdellatif El Azizi