Politique. Décoder le langage corporel


Invité par le club de la presse étrangère, le Coach en communication et synergologue Stephen Bunard, est venu démontrer que le corps des politiques révèle plus de choses d’eux que leur discours.




 


« Le langage du corps ne trahit pas, il traduit », nous dit Stephen Bunard, synergologue, en d’autres termes, un expert en communication non verbale. Il s’intéresse à l’étude des corps en mouvement, à ce que notre corps dit, au-delà des mots prononcés.


Avec le généalogiste Jean-Louis Beaucarnot (1), ils se sont intéressés aux portraits gestuels des présidentiables 2012. Pour ce faire, ils ont dressé une cartographie du corps : inclinaison des paupières, positionnement des mains, mouvement du corps, micro-démangeaisons, etc.


Bunard a pioché dans les neurosciences et sur une base importante de vidéos pour valider ses hypothèses. La différentiation entre l’hémisphère droit, lieu de l’affect et de l’émotionnel qui dirige la partie gauche de notre corps et l’hémisphère gauche, le siège du raisonnement et de la déduction est une base essentielle de la compréhension du langage corporel. Ainsi, une épaule droite qui se lève marque la volonté de performance, de réalisation alors que si celle de gauche oscille, elle signe l’entrer dans la sphère de l’intime.


 


La gestuelle politique à la loupe


Stephen Bunard s’est penché sur plusieurs hommes et femmes politiques au travers de leurs interventions télévisuelles ou lors d’émissions de radio filmées. D’emblée, il nous dit que  « C’est un leurre de penser que le langage du corps se travaille. La très grande part du langage corporel, 95%, ne peut être maitrisée consciemment », réduisant à néant le travail de tous ces très chers conseils en communication, devenus indispensables pour les candidats présidentiables.


A propos de François Bayrou, il est interpellé par son absence de clignement des paupières et le nombre réduit de ses haussements de sourcil. Le clignement d’œil signifie que l’on intègre une idée, un discours de l’autre et le haussement de sourcil marque l’importance de la chose que l’on dit. « Si rien ne bouge, c’est que rien ne compte », nous dit Bunard. Ainsi, le manque d’expression de François Bayrou fait de lui un personnage figé dont le discours n’est pas bien perçu.


Chez Mélenchon, tout se passe au niveau de la bouche. Une marque de mépris se lit parfois sur son visage lorsque sa lèvre se lève sur la droite. Il a aussi tendance à faire des gestes « élevés », les bras en l’air qui signifient qu’il y a beaucoup d’investissement personnel dans le discours qu’il tient.


Cette gestuelle élevée se retrouve dans la famille des idéologues dans laquelle Stephen Bunard place Jean-Luc Mélenchon mais aussi Olivier Besancenot et Marine Le Pen. D’ailleurs, la gestuelle de cette dernière traduit un certain code inconscient de séduction. Marine Le Pen veut faire entrer les gens dans son univers, dans sa bulle. Bunard en vient à cette conclusion du fait de l’inclinaison vers la gauche de sa tête lors d’une émission de télévision, face à Rachida Dati.  


 


Sarkozy vs Hollande


Pour Stephen Bunard, contrairement aux idées reçues, « un bon communiquant est une personne qui fait des gestes, qui utilise ses deux mains ». L’exemple le plus flagrant est celui de Nicolas Sarkozy qui est perçu comme sincère puisque tout en lui donne des indications sur ses émotions. Sa manière de pincer les lèvres pour se retenir de parler, de hausser les épaules, de toucher son interlocuteur (marque de domination sur l’autre), de figurer par le geste un propos font de lui une personnalité « transparente donc sincère » pour les téléspectateurs.


François Hollande, pour sa part, semble peu expressif hormis quelques mouvements de la main, ce qui peut être interprété comme un manque de spontanéité. Tout est sous contrôle. « Son problème est qu’il a travaillé avec des gens de théâtre, nous dit Stephen Bunard, D’ailleurs, ses tentatives de copier la gestuelle de François Mitterrand ne trompent personne. Il y a une limite à se fabriquer des gestes. Le pot aux roses est toujours découvert ».


Alors, s’il avait un conseil à donner au candidat socialiste, il lui proposerait d’arrêter de singer son mentor et de tenter d’être plus spontané pour que les gens le perçoivent mieux. Il semblerait que, pour les politiques, revenir aux fondamentaux soit bel et bien la chose la plus difficile à faire.


Nadia Lamarkbi


 


(1) Le tout-politique, Jean-Louis Beaucarnot, éditions Archipel, 19 €.




 

Nadia Lamarkbi