Tunisie. Affaire de complot contre la sûreté : les détenus restent en prison

 Tunisie. Affaire de complot contre la sûreté : les détenus restent en prison

Conférence de presse du comité de défense

Jusque tard dans la nuit de jeudi à vendredi, les familles des prisonniers politiques dans l’affaire dite du « complot contre la sûreté de l’Etat » ont attendu, en vain, la libération du premier détenu dans ce dossier, Khayem Turki, censé être libéré à minuit en vertu de l’expiration de la durée maximale de la détention préventive de 14 mois selon le code pénal tunisien.  

C’est assurément un signal lourd de sens indirectement envoyé par les autorités judiciaires qui s’arrogent toutes les exceptions dans cette affaire. Pour le comité de défense ainsi que les familles, les accusés sont « désormais en situation de détention illégale ». Dans leur bras de fer procédural contre le juge d’instruction chargé du dossier, les avocats de la défense pensaient avoir fait le plus dur lorsqu’à l’issue des 14 mois réglementaires (six mois + deux fois quatre mois de prolongation) ils avaient selon eux poussé le magistrat à la faute du vice de forme.

 

Bataille de procédures

Car d’après les juristes la clôture de l’instruction le 14 avril et le renvoi du dossier devant la chambre d’accusation aurait été bâclé à dessein hors des délais légaux, de sorte de maintenir leurs clients en détention. Or, non seulement cela ne laissait pas suffisamment de temps pour affaire appel de la décision de clôture (quatre jours selon la loi tunisienne), mais début avril la défense s’était pourvue en cassation et en aurait notifié le juge d’instruction.

Néanmoins des analystes proches du pouvoir arguent qu’en matière de droit, la Cour de cassation ne saurait être saisie que sur le fond des dossiers et non sur la forme, en l’occurrence la cassation d’un refus de remise en liberté. Autant de considérations techniques complexes pour le profane et le grand public et qui rendent le débat inaudible sur les plateaux des médias à ce stade de l’affaire. Cependant le consensus juridique, repris notamment au sein de la société civile dans un communiqué de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), dénonce une dérive extrêmement dangereuse en termes de jurisprudence qui menace l’Etat de droit et le principe même d’une justice équitable et indépendante dans le pays.

Hier soir 18 avril, craignant visiblement un attroupement devant la prison, la Garde nationale a barré l’accès aux véhicules des familles des détenus qui comptaient se garer aux abords du pénitencier de la Mornaguia pour célébrer une remise en liberté qu’elles pensaient inévitable. « Une situation aussi absurde et surréaliste » estiment-elles, documentée en vidéo par plusieurs lives qu’elles ont tenu à diffuser pour prendre à témoin l’opinion nationale et internationale :

 

Pour rappel, les faits remontent au mois de février 2023, lorsqu’un certain nombre d’hommes politiques, de militants de la société civile et d’avocats ont été arrêtés sur fond de soupçons de vouloir « former une entente dans le but de conspirer contre la sécurité intérieure et extérieure de l’État ». Un dossier « totalement vide » pour la défense qui dénonce l’intention du pouvoir de criminaliser tout contact avec des ambassades ou des ONG basées en Tunisie. La chambre d’accusation spécialisée dans les affaires de terrorisme auprès de la cour d’appel a décidé de reporter l’audience de l’affaire au 2 mai prochain.

Seif Soudani