Tidjane Thiam :  » Partir pour réussir »

 Tidjane Thiam :  » Partir pour réussir »

Tidjane Thiam


Aujourd’hui à la tête du Crédit suisse, l’un des banquiers les plus influents au monde s’est heurté en France au “plafond de verre” parce qu’il est noir.


Il aurait pu devenir le porte-étendard de la méritocratie républicaine à la française… Raté. Si Tidjane Thiam, 54 ans, est directeur général du Crédit suisse, l’une des plus grandes banques au monde, il n’a aucune intention d’en attribuer le mérite à son pays d’adoption.


Né à Abidjan, ce Franco-Ivoirien débarque à Paris en 1980, à l’âge de 18 ans, pour poursuivre ses études et y dérouler un parcours d’excellence : école préparatoire à Sainte-Geneviève, Ecole polytechnique et enfin major de l’Ecole des mines en 1986.


Retour en Côte d’Ivoire


Problème : comme il est africain, noir et musulman, aucune entreprise ne répond quand il postule. Un épisode douloureux qui va le marquer au fer rouge, et qu’il racontera dans une contribution à l’ouvrage collectif Qu’est-ce qu’être français? (Ed. Hermann, 2009):


“Frustration (…) devant ces policiers français comme moi et qui me tutoient. Frustration de devoir m’exiler à Londres, fatigue de me cogner le crâne contre un plafond de verre parfaitement invisible mais ô combien réel. Fatigué de voir des collègues moins compétents s’élever et progresser quand ma carrière stagnait. (…) Frustration quand l’un de mes camarades d’école devenu chasseur de têtes m’avoue, embarrassé, qu’il a cessé d’inclure mon profil dans ses réponses à ses clients français parce que la réponse invariablement était : ‘Profil intéressant et impressionnant mais vous comprenez…’”.


Non il ne comprend pas. Et après un bref passage dans le cabinet McKinsey à Paris, Tidjane Thiam décide de retourner en Côte d’Ivoire.


Une ascension fulgurante


Bien lui en prend. D’abord directeur du plan à partir de 1994 puis nommé ministre de la Planification et du développement en 1998, son ascension est fulgurante. A 36 ans, il est déjà un homme qui compte et est sélectionné parmi les “100 jeunes décideurs du monde de demain” au Forum économique mondial de Davos.


Echaudé par les troubles politiques en Côte d’Ivoire, il retourne en 2000 en Europe et gravit les échelons au sein du groupe d’assurances Aviva : directeur de la stratégie et du développement, directeur des opérations internationales et, enfin, directeur général siégeant au conseil d’administration.


En 2009, alors qu’il est pressenti pour prendre la tête du groupe, il est débauché par la compagnie d’assurances britannique Prudential et devient le premier patron noir et musulman d’une entreprise du Footsie 100. Lors de son intronisation, il ne manquera pas de remercier le Royaume-Uni de “montrer la voie” et, en creux, d’égratigner la France.


Adoubé à l’étranger, l’Hexagone finit par se rappeler que Tidjane Thiam est l’un de ses enfants. Nicolas Sarkozy puis François Hollande lui commanderont des rapports sur l’Afrique. Un peu tard. En 2011, comme une excuse, Jean-Claude Trichet le fait chevalier de la Légion d’honneur.


L’ancien président de la Banque centrale européenne ne pourra alors s’empêcher de lâcher : “La France peut regretter [de l’] avoir laissé partir.” Lui… et combien d’autres ?


Julien Wagner


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Julien Wagner