Ouverture d’un chantier archéologique sur les traces de tombes d’enfants harkis

 Ouverture d’un chantier archéologique sur les traces de tombes d’enfants harkis

Une manifestation de soutien aux « harkis » dans les rues de Paris le 12 mai 2013 / PIERRE VERDY / AFP PHOTO.

Fin février, une campagne de fouilles archéologiques d’un caractère particulier a démarré dans le Gard. Des chercheurs de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) sont en effet à la recherche des restes d’un cimetière harki.

60 ans après la fin de la guerre d’Algérie, ses conséquences font encore l’objet de fouilles et de débat. Notamment pour les harkis, ces Algériens qui avaient combattu aux côtés de l’armée d’occupation française. En 1962, au moment de l’indépendance, des milliers d’entre eux se sont retrouvés abandonnés en territoire algérien et ont été victimes de représailles sanglantes. Le sort des 90 000 harkis, dont des femmes et des enfants, qui ont réussi à fuir vers la métropole a été à peine meilleur.

C’est cette histoire que vient éclairer un peu plus ce chantier de fouille qui s’ouvre dans la commune de Laudun-l’Ardoise, dans le sud de la France. Accroupis des heures au sol, deux archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont entamé lundi ces fouilles à l’aide de truelles et balayettes, selon l’équipe de l’AFP qui a eu accès au site.

 

L’archéologie pour faire la lumière

Devant eux, des peluches, déposées par des anonymes sur les monticules de terre de ce champ récemment débroussaillé. Après la guerre d’Algérie, c’est là que se trouvait l’un des « camps de transit et de reclassement ». En réalité des camps d’internement pour les harkis et leurs familles, aux conditions de vie déplorables.

Parmi les personnes décédées dans ces camps, une grande majorité était des bébés mort-nés ou des nourrissons, selon le récit de l’historien Abderahmen Moumen et les témoignages de familles révélés en septembre 2020. Or, ces dizaines de bébés ont été enterrés à la va-vite par leurs proches ou par des militaires. Le plus souvent dans les camps ou à proximité, dans des champs. Avec le temps, les familles de Harkis ont souvent effacé ou refoulé les souvenirs de ce passé traumatique.

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Entre fin 1962 et 1964, 70 personnes – dont 60 jeunes enfants – décèdent ainsi aux camps de Harkis de Saint-Maurice-l’Ardoise et de Lascours. 31 autres personnes, en grande majorité de très jeunes enfants, sont enterrées à proximité du camp de Saint-Maurice selon un registre d’inhumation découvert aux archives par Nadia Ghouafria, fille de Harkis et membre de l’association Aracan.

Ces documents attestent que les autorités ont eu connaissance de l’existence de ce cimetière en 1979. Mais, elles n’en ont délibérément pas informé les familles alors que les corps ou ossements des enfants auraient encore pu être retrouvés.

 

« Rendre justice » aux enfants harkis

C’est la première fois en France que l’État demande à mener de telles fouilles. Elle étaient réclamées par l’Aracan et la « Coordination Harka », du fils de Harkis Hacène Arfi. L’ouverture du chantier intervient d’ailleurs au moment où le président Macron multiplie les gestes envers cette communauté.

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Il y a « forcément une charge mémorielle importante. On connaît l’histoire de ces familles harkies et la vie qu’elles ont eue dans les camps », déclare Patrice Georges-Zimmermann, responsable des recherches archéologiques à l’Inrap et expert judiciaire.

« Notre mission est de déterminer la présence de sépultures d’enfants ou peut-être d’adultes pour identifier le cimetière », explique-t-il. À terme, « on espère retrouver des squelettes, à condition que l’acidité du sol ne les ait pas fait disparaître », ajoute l’expert.

Pour Pascal Coget, directeur du service départemental à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), il s’agit d’« être sûr que ce cimetière est là ». Afin de « rendre hommage et justice aux gens qui ont été enterrés ici et à leurs proches ».

Rached Cherif