Maroc 2026 : Une « guerre » géopolitique

 Maroc 2026 : Une « guerre » géopolitique

Crédit photo : Patrick Bonbaert/[email protected]/AFP


Derrière l’attribution du Mondial 2026, se cache un combat entre un Goliath capitaliste omnipotent incarné par trois pays désunis (Etats-Unis, Canada et Mexique), mais affaibli par un Donald Trump incontrôlable, et un David du multilatéralisme personnifié par le Maroc. Le dernier round se tient le 13 juin à Moscou. 


Et si le meilleur allié de la candidature du Maroc à l’organisation de la Coupe du monde de football 2026 était Donald Trump ? La vision hégémonique du monde par la force du président américain en agace plus d’un. Soutien à Israël, choix unilatéral de sortir de l’accord nucléaire iranien, menaces de sanctions contre les Européens, insultes contre les pays d’Amérique, vives tensions avec son co-organisateur mexicain sur le financement d’un mur de séparation mais aussi avec son voisin canadien lors du dernier sommet du G7 etc. Tout concourt à renvoyer l’image d’un mauvais western.


 


Les menaces de Donald Trump


Or, pour cette première attribution post-Sepp Blatter – l’ancien président de la Fédération internationale (Fifa), soupçonné de gestion déloyale et d’abus de biens sociaux –, ce ne sont plus les 37 membres du gouvernement de la Fifa qui décident, mais les 211 fédérations, a priori indépendantes du pouvoir politique. Dès lors, avec un vote plus ouvert, les Etats-Unis ne sont pas certains de remporter la mise. La candidature américaine est si peu sûre d’elle que Donald Trump a adressé, le 27 avril, un tweet menaçant à l’attention des pays qui n’iraient pas dans leur sens : “Cela serait dommage que les pays que nous soutenons en toutes circonstances fassent campagne contre la candidature américaine. Pourquoi soutiendrions-nous ces pays quand ils ne nous soutiennent pas (y compris à l’ONU) ?” On est bien loin de l’esprit Coubertin ! De son côté, si le Maroc a réussi l’exploit d’allier à sa candidature son voisin algérien, il n’est pas parvenu à faire un carton plein en Afrique. Deux pays importants (l’Afrique du Sud et le Nigeria) lui ont retiré leur soutien après le tweet de Donald Trump. Plus surprenant, l’Arabie saoudite, allié historique du Maroc, s’est alignée sur la ­politique américaine (comme elle le fait pour Gaza et la Palestine).


 


La cote du Royaume remonte chez les bookmakers


Dans les rues de Londres, un indicateur fait souvent foi : les cotes de bookmakers de la place. Jusqu’à présent, la candidature “United” était à 1,66 contre un ; la marocaine semblait n’avoir aucune chance de réussir à 6,7 contre 1 il y a un an. Aujourd’hui, elle est à 3,3. L’écart se resserre, preuve que la victoire du Maroc n’est plus aussi improbable. Pot de terre ou pot de fer ? A 106 voix, c’est gagné. Actuellement, le Royaume en compte 70. Et ce seront les détails qu’il convient d’observer. Comme on le dit souvent, le diable s’y cache. Il va falloir se méfier des ralliements d’îles caribéennes, ou des nombreuses antennes de l’Oncle Sam (Iles Vierges et Samoa américaines, Guam).


L’Asie et certains pays sud-américains peuvent aussi faire pencher la balance. Car, c’est plus qu’une affaire sportive ou de gros sous qui se joue. L’attribution de la Coupe du monde au Qatar, en 2010, face à leur candidature n’est pas digérée par les Américains. Ils doivent montrer que ce sont eux les gérants de la géopolitique mondiale. Qu’elle soit sportive ou non. Pas sûr que la nouvelle ­instance de la Fifa offre la meilleure configuration pour y parvenir. Si l’on est davantage dans un vote des “Nations unies du football”, le Maroc a alors toutes ses chances. 

Yassir Guelzim

Yassir GUELZIM

Journaliste Print et web au Courrier de l'Atlas depuis 2017. Réalisateur de documentaires pour France 5.