Israël/Palestine. « Qui ment une fois, ment toujours »

 Israël/Palestine. « Qui ment une fois, ment toujours »

ABIR SULTAN / POOL / AFP

Quel est le point commun entre Netanyahou, Biden (ou Trump d’ailleurs) ou encore un chef d’Etat comme Viktor Orban ? L’usage immodéré du mensonge. Si la plupart des chefs d’État des pays autoritaires utilisent le mensonge pour salir leurs opposants ou flatter les mauvais penchants de leurs électeurs, avec le Premier ministre israélien, c’est différent, Netanyahou a fait du mensonge le nec plus ultra de la gouvernance.

Avec Netanyahou, on croyait avoir affaire au pire des hommes politiques, or il se trouve aujourd’hui que le mensonge dans l’État hébreu est, bien plus qu’un mode de gouvernement, un véritable processus de management dont usent à satiété tous les responsables. Soutenus par des campagnes de désinformation massive, les médias mentent aux citoyens israéliens sur les objectifs de l’armée, ils donnent de fausses informations se focalisant au passage sur les pertes désastreuses de « l’ennemi » et occultent le nombre de soldats israéliens morts ou fait prisonniers; ils véhiculent des fausses informations sur «  les Bébés décapités » par Hamas, ou encore ces enfants israéliens pris en otage et mis en cage par le même Hamas ! Aucune information ne filtre sur l’état d’une économie à genoux, sur les milliers d’Israéliens qui fuient le pays et encore moins sur les atrocités commises par l’armée sur les malades, les enfants et les civils palestiniens désarmés. Personne ne parle de la famine forcée de milliers de personnes, comme il n’y a aucune information qui filtre sur l’exil forcé de la quasi-totalité des Palestiniens de Gaza, à qui d’ailleurs les responsables israéliens ont ôté le caractère d’humains et ainsi déshumanisés, les Palestiniens sont devenus dans leur bouche des « animaux » à visage humain.

On ment aussi aux familles des otages du Hamas auxquelles, on raconte des salades en dépit du moindre bon sens : tandis que l’armée bombarde sans répit Gaza avec des bombes de dernière génération fournies gracieusement par « cet ami américain qui vous veut beaucoup de bien », supposées détruire les installations souterraines où justement les hommes de Ismaïl Haniya détiennent les Israéliens kidnappés, Netanyahou continue à promettre la libération de ces otages.

Le chef des éradicateurs de Tel Aviv n’a d’ailleurs cure de l’indignation suscitée par ces fausses informations sur les réseaux sociaux, et relayées complaisamment par de nombreuses chaînes d’information locales. Si un Premier ministre maintes fois interrogé par la police israélienne dans le cadre de l’instruction de nombreuses affaires de corruption et de trafic d’influence  ne veut rien entendre d’un cessez le feu, c’est qu’il veut mener jusqu’au bout son génocide palestinien, seule alternative à une issue qui se terminerait par la case prison pour lui et ses complices.

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Le « tragique de l’Histoire », c’est que Netanyahou n’en est pas à son premier mensonge. « L’homme qui ment plus vite que son ombre » avait montré son talent d’embobineur en  2002 devant le Congrès américain qui l’auditionait au sujet de l’Irak. Netanyahou, soutien inconditionnel d’un autre grand menteur, Georges Bush, va enfoncer le clou pour appuyer l’invasion et la mise à sac de ce pays, mentant sans vergogne sur « les ambitions nucléaires de Saddam Hussein », renversé en avril 2003 par les envahisseurs américains, qui ne trouveront pas trace du moindre programme nucléaire.

Même topo avec l’Iran que Netanyahou accuse de préparer « un Holocauste nucléaire » alors que l’administration Obama et son accord sur le nucléaire iranien, signé en juillet 2015, a largement démontré l’inanité de ces allégations. Mais la meilleure, peut-être, des histoires inventées par Netanyahou, c’est celle où il donne sa propre version de l’histoire de la Shoah, en présentant le mufti de Jérusalem, Hajj Amin Al-Husseini, comme celui qui a soufflé à Hitler l’idée de « brûler les juifs » !

Aujourd’hui, on peut s’interroger, et à juste titre sur le fait qu’un homme comme Netanyahou, dont le plus grand crime est d’avoir contribué au climat de haine entre Juifs et Palestiniens, menteur notoire, falsificateur invétéré des réalités les plus évidentes puisse continuer à sévir et à gouverner durant autant de mandats.

Selon Hannah Arendt, « le mensonge est souvent plus plausible, plus tentant pour la raison que la réalité, car le menteur possède le grand avantage de savoir d’avance ce que le public souhaite entendre ou s’attend à entendre. Sa version a été préparée à l’intention du public, en s’attachant tout particulièrement à la crédibilité, tandis que la réalité a cette habitude déconcertante de nous mettre en présence de l’inattendu, auquel nous n’étions nullement préparés ».

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Malgré tout, Netanyahou, qui pourra peut-être faire illusion quel que soit le nombre de mensonges proférés, ne trompe que ceux qui veulent bien faire croire qu’ils sont dupes. Le chèque en blanc délivré par les dirigeants totalitaires n’a de pendant que la confiance des chefs d’Etat des démocraties occidentales qui voient dans le pouvoir du mensonge de Netanyahou une nécessité de la « ligne politique » d’un présent qui épouse les contours de leur idéologie.

Il est d’ailleurs significatif, qu’au lendemain de l’attaque du 7 octobre du Hamas en Israël, le Premier ministre israélien, ait eu à faire face à l’accusation de complicité par toute la presse de l’Etat hébreu rapportait une réunion à huis clos que Netanyahou avait tenue le 11 mars 2019 avec des membres du Likoud, où il a notamment déclaré : « Quiconque veut contrecarrer la création d’un Etat palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie.»

Pour une fois, Netanyahou ne s’est pas trompé, le Hamas est sorti renforcé de la guerre contre Gaza, ses combattants accusés de terrorisme sont devenus les héros de la résistance palestinienne et arabo-musulmane et Mahmoud Abbas, transformé en chien de garde des colons israéliens, se cache désormais pour éviter d’être écharpé par ses propres coreligionnaires.

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D’un autre côté, la presse occidentale a beau jouer à l’autruche, répondant d’une seule voix aux injonctions politiques : « cachez-moi, ces corps de bébés déchiquetés par les soldats de Tsahal, l’armée la plus morale du monde », le sang qui dégouline sur les réseaux sociaux éclabousse désormais les citoyens de ces pays, qui semblent se réveiller d’un long sommeil pour plonger, éveillés dans un cauchemar horrible qui semble s’éterniser. Partout, des citoyens lambda, horrifiés par l’ampleur des crimes de guerre d’Israël, scandalisés par le soutien sans faille des Biden, Macron, Trudeau et j’en passe, stupéfaits par le silence des élites arabes battent désormais le pavé pour exiger un cessez-le-feu et demander des comptes à leurs dirigeants.

Qui, eux, semblent avoir oublié que de toutes les façons, ce qui se construit sur le mensonge ne dure jamais très longtemps.

Abdellatif El Azizi